L'événement illustré: revue hebdomadaire, documentaire, artistique et littéraire

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CIMETIÈRES D'ORIENT L'Orient a peut-être plus que nous le culte des morts, mais il a aussi la religion des cimetières. C'est à côté des villes une autre ville, une nécropole aux innombrables monuments, modestes ou fastueux, neufs encore ou déjà tombant en ruine mais toujours l'objet d'une vénération profonde. C'est généralement aux portes de la cité, dans la plaine ou sur les rampes de la colline, devant un merveilleux paysage dont le silence rend plus profond le sommeil des morts. Ceux qui y arrêtent leurs pas n'ont d'autre préoccupation que de songer aux leurs qui dorment à l'ombre des cyprès centenaires. On vient y rêver longuement, car le temps n'a point de valeur ici : les heures y coulent dans l'anéantissement de la vie. Des Jamais on ne détruit une tombe, le temps seul se charge de cette autre destruction. Peu à peu les parents qui venaient y prier sont morts à leur tour, la pierre penche et s'effrite, la pluie en effaae l'inscription et les ornements. Elle devient anonyme mais nul ne s'avise de la faire disparaître. Quand le cimetière est devenu trop vaste, on l'abandonne et .sur un autre point on élève une nouvelle cité aux morts. Ainsi chaque ville est entourée d'une couronne mortuaire qui la presse, parfois la pénètre et mêle à l'angoisse quotidienne l'image calme de son repos et de son silence. 11 Au pied des arbres raides que le vent fait à peine vibrer, des tombes, des tombes par milliers et par millions, des tombes jeunes, O O Le cimetière d'Eyoub avec la Corne d'Or. O O ... "La pente raide, toute hérissée de cyprès, descend jusqu'à la Corne d'Or, qu'on aperçoit là-bas, léchant le pied de Stamboul; — Stamboul couleur de nuit, dentelé de minarets et de coupoles... C'est une forêt que ce ravin, — un cimetière aussi ; les plus antiques des tombes de Constantinople sont là, sous les arbres quatre fois centenaires. " (C. Farrère). :emmes mystérieusement voilées s'attardent sur les cippes des tombes, Jes enfants jouent dans l'herbe haute et drue, sans soupçonner la tristesse qui émane de cette infinie répétition d'une pensée de deuil. C'est un cimetière, il est vrai, mais c'est aussi un jardin : " les morts turcs, écrit Claude Farrère. ne sont point enfermés comme les morts :hrétiens, on ne les entoure pas de grands murs et de grosses grilles. Ils dorment où ils ont voulu dormir et on ne charge pas de'maçon-ueries leurs pauvres os fatigués..." peintes de frais et dorées, des tombes vieilles, blanchies, noircies par les soleils et par les pluies, des tombes antiques, usées, rongées, renversées, se serrent et se confondent dans une mêlée immobile. Les stèles, droites, obliques, couchées, ressemblent à des soldats innombrables pétrifiés tout d'un coup, en pleine bataille. " Et sous le beau soleil, à l'ombre des beaux arbres, devant le bel horizon, sur cette terre antique et si lourde de souvenirs glorieux, la tristesse de ce jardin des morts n'élreint pas le cœur d'une angoisse L'ÉVÉNEMENT ILLUSTRÉ — N" 51

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