L' illustration

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7 Décembre 1916 L'ILLUStRAÎlON n° 39S3 — 525 personnages, hier de George V, demain du président Wilson... en attendant la grande, la triomphale entrée... celle que l'imagination la plus riche est elle-même impuissante à rêver. Et simultanément les « entrées » honteuses de nos ennemis s'opposent aux nôtres dans un contraste terrible: entrée dans les steppes de l'exil des mauvais souverains culbutés de leur trône, entrée fugitive et haletante du kaiser dans les auberges de l'étranger, entrée de ses armées à la débandade dans une Allemagne aux abois, entrée sinistre de sa flotte allant sombrer dans la geôle des eaux anglaises... ... Enfin toutes ces entrées aboutissent à la dernière, à celle qui les résume et les clôt et qui en même temps qu'elle fixe une arrivée, inaugure un départ: je veux dire l'entrée dans la Paix, l'entrée solennelle et mystérieuse dans l'immense inconnu du monde nouveau, de la Terre Promise. TT Henri Lavedan. Edmond Rostand dans les ruines de Gerbeviller. — Sect. phot. de l'Armée. EDMOND ROSTAND Edmond Rostand est mort lundi dernier, 2 décembre, à Paris. Il avait été atteint par la grippe, alors qu'il suivait au théâtre Sarah-Bernhardt les dernières répétitions des nouveaux interprètes de VAiglon : une pneumonie double se déclara et en une semaine, malgré les soins les plus éclairés et les plus dévoués, triompha de l'organisme délicat. Cette mort si brutale, arrêtant à cinquante ans un tel poète, au sommet de la carrière la plus brillante que l'on ait pu admirer de notre temps, a causé une émotion profonde. A M. Henri Lavedan, ami d'Edmond Rostand et son collègue à l'Académie française, il appartiendra, dans cette maison qui brilla de la collaboration illustre du poète, de parler de lui. Nous ne pouvons aujourd'hui, en attendant cet hommage, qu'exprimer en peu de mots la part que nous prenons au deuil des lettres françaises. Par les Musardises, Edmond Rostand avait fait connaître à vingt ans les dons incomparables qui, cultivés et développés par le succès même dans lequel le poète trouvait de nouvelles raisons de se perfectionner, devaient former son génie. C'étaient les dons les plus divers et qui faisaient de lui l'héritier de nos grands romantiques et le disciple affran chi de nos Parnassiens. Avec les Romanesques, à la Comédie-Française, l'auteur dramatique montra également, dès son premier essai, sa maîtrise. La Princesse Lointaine, la Samaritaine, interprétées par Mme Sarah Bernhardt, achevèrent d'établir son renom, puis, tout d'un coup, en un soir, Cyrano de Bergerac fut un triomphe, — le triomphe du panache. La scène était affranchie des mesquineries naturalistes et des influences étrangères ; elle revenait à la tradition française de la bonne humeur et de l'héroïsme. Edmond Rostand entra à l'Académie française comme nos maréchaux libérateurs y entrent aujourd'hui. Le drame de l'Aiglon si délicat, si ingénieux, ajouta encore au succès de l'auteur dramatique, mais ce fut Chantecler qui, huit ans après, augmenta encore la gloire du poète. Il semble bien que ce soit le plus important de ses chefs-d'œuvre, celui dans lequel il a mis le plus de son âme et dans lequel il a exprimé avec le plus de puissance le thème essentiel de sa poésie : le devoir qui incombe à chacun de remplir son rôle, la foi dans le passé de la France et dans son avenir. Les représentations de Chantecler, si impatiemment attendues et poursuivies avec tant d'éclat, resteront uniques. L'Illustration tint à participer à cet événement littéraire et théâtral en assurant au poème une publication digne de son originalité, de sa richesse, une publication qui transportait en quelque sorte sous les yeux du lecteur le spectacle que le public admirait sur la scène. Le poète de Chantecler était notre poète national. 11 ne manqua pas à son rôle. I! ne douta jamais de la victoire. En 1915, son « Bulow » mettait toute l'Allemagne au pilori et son « Chant des astres » nous apportait l'âme de l'Amérique. A ces poèmes publiés dans nos pages, Edmond Rostand ajouta d'autres chroniques lyriques sur la Marseillaise, le bombardement de Paris, et, avec le même bonheur, avec la même vigueur et le même sourire de jeunesse, il exprima l'âme française. Par quel hymne Chantecler n'aurait il pas salué l'aurore de la victoire, si l'éternelle nuit n'avait fermé ses yeux ? La Poésie de Chantecler Le recul de huit années (dont quatre comptent double) qui nous séparent aujourd'hui de la représentation et de la publication de Chantecler est brutalement accusé par la mort si brusque d'Edmond Rostand. Dans le recueillement de ce deuil, une pieuse curiosité entraîne chacun de nous à relire l'œuvre du poète, à contrôler les sentiments que nous éprouvions pour elle. Bans l'intimité de ce rapprochement, alors que le

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