Le courrier du Borinage: organe des intérêts du couchant de Mons

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22 March 1914
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LE COURRIER DU BORINAGE ABONNENE.NT3 L'a an : 3 francs. Six mois : 1 franc 50 Etranger : port en sus. Les abonnements se paient d'avance. Bureau : Rue Fr. Dorzée, 39, à Boussu. Le Numéro : 5 centimes 57".e ANNÉE. - N" 12 Journal des Cantons de Boussu, Uour et Pâturages PARAISSANT LE DIMANCHE ANNONCES Prix selon grandeur, nombre et page. Les annonces se paient d'avance. Adresser toutes les correspondances à M. L. PESESSE, Editeur-propr., à Boussu. Le Numéro : 5 centimes Dimanche 22 Mars 1914 BOUSSU, I.E 21 MARS 1914 Ce que gagnent les Vedettes Le public ne se figure pas les appointements colossaux touchés par les grandes " vedettes » de nos jours. On sait que le ténor italien Caruso est un des acteurs qui gagnent le plus ; niais ce qu'on sait moins, c'est ce qu'il gagne en réalité : 12.500 francs par soirée ! Et il chante au moins 80 fois par an ; alors, calculez !... Dans ce gain ne figurent pas les revenus que lui valent les auditions qu'il accorde à des compagnies de phonographes moyennant des " cachets » fabuleux.Une des artistes les mieux payées fut également Mme Sarah Bernhardt. La première tournée qu'elle fit en Amérique (sous la direction de l'impressario Grau) dura 4 mois et rapporta' plus de 600."00 francs à l'illustre tragédienne. Elle était payée à raison de 5.000 francs par soirée ; tous ses frais de voyage étaient remboursés par surcroît, bien entendu.Plus tard, Mme Sarah Bernhardt organisa elle-même ses tournées. Coquelin, qu'elle amena avec elle pour jouer L'Aiglon, touchait 1.500 francs par soir; l'année suivante, il exigea 3.000 francs pour jouer Cyrano de Bergerac. Puisque nous venons de parler de tournées américaines, citons celles que fit Mme Réjane sous la direction du vicomte de Braga et qui lui rapportèrent la bagatelle de 2.000 francs par jour. Mounet-Sully en tournée a 3.000 fr. Mentionnons également Mme Jeanne Granier, dont les tournées à l'étranger sont à peu près aussi rémunératrices et qui, à Paris, ne consent à jouer si ce n'est moyennant 800 francs par jour pour 100 représentations au minimum. Signalons Mme Melba : 80.000 francs par série de 10 représentations — et venons-en à la Patti qui, en Amérique, palpa 25.000 francs pour une seule audition ; qui, à l'Eden Concert; de Paris, recevait -15.000 francs pour chanter durant 15 minutes.Avant de venir aux artistes que Bruxelles a le plus souvent l'occasion d'applaudir, dévoilons quel est le prix du « travail » des grands virtuoses du violon ou du piano : le pianiste Paderewsky, quand il joue chez des milliardaires, se fait payer 10.000 francs ; Raoul Pugno touche 2.000 francs ; Kubelick a 3.000 fr. Les acteurs qui viennent le plus fréquemment chez nous actuellement sont, on le sait : MM. Le Bargy, rétribué à raison de 600 francs par soirée ; Hugue-net, qui, avant son entrée à la Comédie-Française, demandait 400 francs par cachet pour un minimum de 30 représentations ; André Brûlé, qui gagne 300 fr. ; Galipaux, 250 francs ; Guitry, 800 francs; Mlle Jane Hading, 600 francs ; La Val-lière, 400 francs ; Lanthelme, 200 francs ; la pauvre Félyne gagnait la même chose. MM. Mayol, Polin, Dranem ont 400 fr. par soir. Notre compatriote Defreyn, l'élégant compère des revues que l'on joua il y a quelques années aux galeries et à l'Olympia, est à présent engagé pour plusieurs années à l'Appolo à Paris, aux appointements coquets de 60.000 fr. par an. La chanteuse des cafés-concerts qui, certainement, fut la mieux payée fut Mme Yvette Guilbert : à Paris, elle touchait 800 francs pour quelques chansonnettes à la Scala ; à Londres, à Berlin, à Bruxelles, elle avait de 1.800 fr. à 1.000 fr. p^r « tour de chant ». Paulus, le célèbre créateur du Père la Victoire, qui arriva avant elle au théâtre, ne touchait qu.e 150 francs par « tour » ; mais comme, en se faisant véhiculer tout habillé et fardé d'un théâtre à l'autre, il trouvait le moyen de chanter dans deux établissements à la fois, il se faisait ainsi 300 francs, ce qui était très joli à l'époque. La mode des appointements énormes est toute récente. Ce n'est pas alors que Little Tiche aurait été payé à raison de 14.000 francs pour une série de 14 représentations !... Car les mêmes prodigalités se remarquent au music-hall. Méphisto, qui le premier fit l'exercice du " Looping the loop •>, recevait 27.000 francs par mois. Ah ! que diraient les artistes d'antan s'ils revenaient sur terre ! Molière le génie immortel, les illustres tragédiennes Mars, Rachel, l'inoubliable Talma, ne touchaient que des appointements dérisoires que la chronique n'a même pas pris la peine de rapporter. On joue actuellement La Belle Hélène. Sait-on combien la créatrice du rôle principal, Mlle Hortense Schneider, gagnait ? 6.000 francs par an ! (C'était en 1864). Elle n'obtint une augmentation que grâce aux pressantes démarches d'Offen-bach. Les journaux crièrent à la dilapidation.Les temps sont changés. Est-ce un bien, est-ce un mal ? Certes, il vaut mieux que les artistes de talent soient rétribués grassement ; il est juste que les directeurs de théâtres fassent bénéficier les vedettes des recettes extraordinaires qu'elles leur font effectuer. 11 faut aussi tenir compte que, par suite des versatilitéstantdefoisconslatées de la foule, la vogue d'un artiste passe vite, surtout quand il vieillit ; il n'a donc ordinairement que peu d'années devant lui pour assurer pécuniairement son avenir. Revissa. PETITE HISTOIRE POUR SE TORDRE Mystère à éclaircir Avez-vous jamais observé ces individus qui, le matin, dès potron-minet, pénètrent dans les cours de nos maisons en criant : « Vlà l'marchand d'peaux d'lapins ! » Ils ont d'honnêtes figures auvergnates ou cévenoles, et on leur donnerait le bon Dieu sans confession, tant ils respirent la bonace en même temps que l'honorabilité.f i\e-vous Jt fk>z pas. Ce sont d'étranges ^ hères ! Ils assafrat qu'ils sont marchands de peaux de lapins et, à la vérité, ils en portent toujours une ou deux sur leur épaule. Vous avouerez que c'est là un bien pauvre fonds de commerce. Voyez-vous un boucher qui n'aurait qu'une côtelette ou un épicier deux uniques merluches ? D'ailleurs, ces deux peaux de lapins sont largement suffisantes, car, enfin, à qui pourrait venir l'idée baroque d'acheter une peau de lapin ? Si minime qu'en puisse être le prix, je me demande quel serait le bourgeois fastueux qui acquerrait une peau de lapin ? J'ai voulu en avoir le cœur net et, un matin, je suis descendu, en pantoufles, pour acheter une peau de lapin à l'un de ces hommes. 11 s'est fâché tout rouge et m'a traité de plaisantin ! Ainsi donc, voilà des gens qui crient à tous les échos qu'ils sont marchands de peaux de lapins et qui refusent d'en vendre ! Il y a là, pour moi, un mystère angoissant. Si le gouvernement tolère de pareils individus, ce ne peut être que parce qu'ils sont de la police ! Vieilles Lettres Quand, chauffant nos pieds aux tisons, En rêvant, nous vous relisons, Vieilles lettres toutes fanées, — O vieilles lettres d'autrefois ! —■ Nous croyons sentir, sur nos doigts, Refleurir nos fraiches années. Votre papier, terne et jauni, S'éclaire du rayon béni De notre jeunesse ravie. Et nous revoyons, grâce à vous, Ces temps heureux, ces temps si doux Qui sont l'aurore d'une vie ! Grâce à vous, pour quelques instants, Les chaudes teintes du printemps Se mêlent aux pâleurs d'automne ; Et c'est un peu de nous enfin Que, sur ces riens de papier fin, En sa bonté, Dieu nous redonne. Sous la poussière, voile épais, Vieilles lettres, dormez en paix, Moitié larmes, moitié sourire ; Vous êtes les témoins certains De beaux jours, hélas ! si lointains... Honte à celui qui vous déchire ! JACQUES NORMAND. ÉCHOS On mande de Rome que M. Marconi se livre en ce moment à des essais très curieux de téléphonie sans fil et quiont déjà obtenu des résultats très importants. L'inventeur s'est livré, entre autres, à une série d'essais en pleine mer à bord d'un navire de guerre italien. La première fois, alors que le navire se trouvait au large de la côte de Sicile, M. Marconi reçut des messages très clairs de Clifden, en Cornouailles, c'est-à-dire d'un endroit se trouvant à dix-sept cent cinquante miles du point où il se trouvait. Le soir suivant, la flotte reçut, par la téléphonie sans fil, des signaux lancés du Canada, distant de quatre mille soixante deux miles du point de réception. Enfin, une dernière fois, une conversation radio-téléphonique put être échangée entre navires en marche. La communication put être établie jusqu'à la distance de quarante-cinq miles en pleine mer et de quinze miles seulement lorsque les deux navires étaient séparés par la terre. Voici un exemple type d'imbroglio matrimonial, exposé par un correspondant à un confrère français : Je me suis marié, écrit-il, à une veuve qui avait de son premier mari une grande fille dont mon père tomba amoureux et qu'il épousa. Mon père devint ainsi mon gendre, tandis que ma belle-fille devenait ma belle-mère, puisqu'elle avait épousé mon père. Bientôt ma femme eut un fils qui fut le fils de la mère de la femme de mon père, et en même temps mon oncle puisqu'il était le frère de ma belle-mère. Voilà donc mon propre fils qui devient mon oncle. La femme de mon père, elle aussi, devint mère d'un garçon, qui fut à la fois mon demi-frère et mon petit-fils puisqu'il était le fils de la femme de mon père. Moi je n'étais pas seulement le mari de ma femme, mais j'étais aU?si son petit-fils. Et comme le mari de la grand'mère d'une personne est appelé grand'père de celle-ci, il arriva que je devins mon propre grand'père. Ah ! la famille ? L'Allemagne a ses grosses fortunes. Voici la liste des principaux capitalistes : L'empereur: 140 millions de capital, 27 millions et demi de rente et 17 millions de liste civile en Prusse. Mme BerthaKrupp de Bohlen-Holbach : 283 millions de capital déclaré, 19 millions de marks de revenu. Le prince Henckel de Donnersmarck : capital, 254 millions ; revenu, 13 millions et demi. Le baron de Goldschmidt-Rothschild : capital, 165 millions Leduc d'Ujcst : capital, 154 millions. Le conseiller intime Ziese : capital, 150 millions. Après Guillaume II, les princes allemands les plus fortunés sont le duc de Brunswick (son beau-père lui ayant restitué les biens valant 80 millions, qui avaient été confisqués lors de l'annexion du Hanovre); puis le princeSchaumburg-Lippe, dont les propriétés, en majeure partie suituées en Autriche-Hongrie, se soustrayentà toute évaluation, même approximative.Combien paraissent médiocres, en com-pnraison de ces grosses fortunes, celles des rois et des princes suivants : Le grand duc de Hesse dispose de un million 270,000 marks de liste civile et d'environ 300.000 marks de revenus personnels. Comme on dit, il a bien du mal de joindre les deux l outs ; aussi, quand il reçoit la visite de son beau frère, l'empereur Nicolas, ce dernier, qui est fabuleusement riche, s'arrange-t-il toujours pour le défrayer de Toutes ses dépenses. Grand-duc de Ss '-Weimar : 31 millions de marks ; roi de Saxe : 25 millions de marks ; grand-duc d'Oldenbourg : 24 à 25 millions ; prince de Hohenzollern : 23 millions ; roi de Wurtemberg : 10 millions ; roi de Bavière, même somme ; grand duc de Bade, de 8 à iO millions; grand duc de Hesse, 5 millions de marks. Ces fortunes sont celles déclarées pour l'application de la contribution de guerre. Elle produira près de 2 milliards ! Dans le comté de Bedford.en Angleterre, M. Wingfield, qui fait de l'élevage, s'amuse à transformer quelques-uns des animaux qu'il possède en bêtes de courses. Et comme un grand nombre de ces animaux sont exotiques, on assiste parfois à d'étranges spectacles : des autruches, des zèbres, des gazelles prennent des galops dans les allées de son domaine. Les porcs, les simples porcs eux-mêmes, se soumettent à la fantaisie patiente de leur dresseur. Dans une mordante chronique publiée récemment par un de nos confrères, Mme Marcelle Tinayre s'élève avec force contre les parents qui veulent à tout prix faire étudier le piano à leurs enfants sans s'inquiéter de leurs aptitudes pour la musique. " Nous avons toutes, de mère en fille, connu le supplice des gammes, dit-elle, quittes à fermer notre piano dès le lendemain des justes noces... Naguère, les familles considéraient le piano " comme un brevet de bourgeoisie » et ne demandaient pas à Marguerite ou à Germaine : « Aimes-tu la musique ? Te sens-tu des « dispositions ? » Il ne s'agissait pas d'aimer ou de comprendre les arts, mais seulement de prouver qu'on les avait étudiés dans une mesure restreinte et .convenable. Il est fort mauvais, conclut l'éminent écrivain, que l'on gaspille un temps précieux à des études absolument inutiles pour former des tapoteurs et des barbouilleurs sans talent. .. Les achats de livres de prières, de chapelets, de souvenirs et autres articles pour la première communion, ont été nombreux, cette semaine, à la librairie Louis Pesesse, rue François Dorzée, 39, à Boussu. On comprend aisément ce succès quand on a vu aux étalages le choix magnifique de ces différents articles, tous du meilleur goût, ayant infiniment de chic et vendus — ce qui n'est pas pour déplaire au client — de 20 à 50 p. c. moins cher qu'ailleurs. Sir John Tenniel, qui fut, sans contredit, le plus grand dessinateur anglais, et qui, cinquante ans durant, de 1851 à 1901, édita la célèbre revue satirique Punch, s'est éteint il y a quelque temps, à Londres, deux jours avant son quatre-vingt-quatorzième anniversaire. Pendant ce demi-siècle de travail, sir John Tenniel donna, dans le Punch, plus de 2,500 dessins, dont plusieurs sont restés classiques. Le plus populaire est, sans doute, celui qui, remontant à 1889 et intitulé le Débarquement du Pilote, représentait Bismarck habillé en loup de mer descendant, le visage attristé, l'échelle de coupée d'un bâtiment tandis qu'accoudé sur le bastingage l'empereur Guillaume II suit ce départ avec un sourire. Bismarck fut, parait-il, si frappé de ce dessin qui symbolisait son départ du pouvoir, qu'il demanda à son auteur de lui faire don de l'original. Entre papa : — Il ne faut jamais contrarier le goût des enfants pour le choix d'une carrière Ainsi, moi,j'ai un fils qui prétendait avoir la vocation des planches... — Vous l'avez mis au Conservatoire ? — Non, il est emballeur ! NOUVELLE LITTERAIRE La Vraie Leçon Dans le petit salon, derrière la salle des concerts, la foule des amis entourait la virtuose. Marie Voret venait d'obtenir un de ses plus grands succès. Depuis deux ou trois ans. la réputation de la pianiste ne faisait que grandir. Elle arrivait d'Allemagne, où elle avait donné une série de concerts remarqués. Très simple, très émue, Marie Voret répondait aux compliments. Elle n'était pas jolie ; mais sa physionomie présentait quelque chose d'attachant qui lui assurait aussitôt la sympathie. Au reste, deux yeux noirs admirables et un front au pur dessin. Brusquement, se faisant place avec autorité, apparut dans le petit salon une femme délicieusement mise, toute blonde, toute rose, menue et charmante poupée qui tendit les deux mains à Marie Voret et lui prodigua d'hyperboliques éloges. C'était la petite comtesse Gilberte d'Astrée, une de ses plus notoires élèves, sinon une de ses plus brillantes. Marie Voret lui donnait déjà des leçons de piano avant que Gilbert épousât le comte d'Astrée ; Gilberte n'était alors que la fille du richissime industriel Calunat. Après son mariage et dès le retour de son voyage de noces, Gilberte avait tenu à reprendre ses leçons de musique, à quoi Robert d'Astrée, qui adorait sa femme, avait immédiatement consenti. On pouvait, dès à présent, prévoir que tout continuerait à sourire dans l'existence de la jeune comtesse, comme tout avait souri dans l'existence de Gilberte, jeune fille. Elle semblait promener le bonheur avec elle. Le salon se vidait peu à peu, et, bientôt la Comtesse Gilberte resta seule avec Marie Voret. —- Je vous ramène chez vous dans ma voiture. ■— Soit ! dit Marie Voret. Mais je ne rentre pas encore. J'ai promis d'accompagner Mme Ascoli qui a consenti à chanter à mon concert, mais qui tient à être accompagnée par moi. — Mais... je ne demande pas mieux que de vous attendre. Et les deux femmes se mirent à causer. —■ Jamais, dit la comtesse Gilberte avec une petite mine de découragement, je n'arriverai à jouer comme vous. — Vous jouez déjà très bien. Je vais même plus loin : vous avez des doigts que je n'ai pas ! — Du métier, oui : je finis par en avoir... Mais je joue sec, je joue sans profondeur... Ce qui m'émerveille en vous, ma petite Voret, c'est l'émotion qu'il y a dans votre jeu... Ce lie sont pas seulement des notes après des notes, des traits, des accords, ni le développement ingénieux d'un thème. . C'est le sens que vous donnez à tou t cela. — Peut-être ; mais pourquoi souhaitez-vous de pouvoir jouer ainsi ? — Parce que j'ai l'ambition de devenir une artiste pour de bon ; une vraie artiste.— Vous n'en avez pas besoin. — Je le voudrais. —■ Je voudrais que non ! — C'est trop fort !... Vous qui êtes mon professeur ! — Je suis votre professeur, mais je vous aime. — Et alors ? — Alors... tenez... nous avons un bon quart d'heure devant nous avant que Mme Ascoli arrive... Voulez-vous que je vous raconte une histoire?... Je ne vous l'ai jamais dite quand vous étiez jeune fille ; je veux que vous la connaissiez aujourd'hui.— Quelle histoire ? interrogea Gilberte, déjà curieuse ; la vôtre ? — Oui. Ecoutez bien ! Je n'ai jamais été riche, mais j'ai été élevée comme une fille riche par mon père, qui m'adorait. Il m'avait fait faire mes études au lycée ; je suivais, en outre, un cours de musique très sérieux. J'étais forte en théorie et en pratique : de bons doigts, une exécution brillante... Mais, comme vous, pas d'âme. Cependant, personne, dans mon entourage, ne s'en aperçevait. n Quand je dis personne, je me trompe. Mon père avait un vieil ami, Hector Sandre, cet Hector Sandre avait un fils 1 i plus âgé que moi : Maximilien Sandre... La comtesse Gilberte interrompit : — Maximilien Sandre !... le grand pianiste ? — Lui-même. J'avais dix-neuf ans ; il en avait alors trente. — Je l'ai souvent entendu, continua Mme d'Astrée. Je l'admire comme artiste... l'homme me déplaît. — Pourquoi ? interrogea anxieusement Marie. — Je ne sais pas !... Il y a quelque chose de dur, qui m'éloigne... une altitude arrogante, je ne sais quoi de méprisant dans le regard : je le devine égoïste et cynique. — C'est un grand artiste !... — Nous parlons de l'homme. — C'est aussi de l'homme que je vais vous parler, Gilberte. Maximilien Sandre ne venait pas souvent chez mes parents. Il commençait déjà sa glorieuse carrière de musicien. Pourtant, il y venait quelquefois, et mon père m'obligeait à jouer devant lui. J'avais une peur affreuse ! Sandre m'écoutait avec attention, louait mon jeu, mais concluait chaque fois : « C'est très bien, mais vous manquer d'âme, mademoiselle Marie. Vous ne comprenez pas encore ce que c'est que la musique... Travaillez !... Travaillez !... » Et on restait six mois sans se revoir. » Or, mon père mourut subitement. Tant qu'il vivait, il gagnait de quoi tenir largement sa maison. Mais à sa mort, je ne trouvai, mise de côlé, qu'une petite somme insuffisante même pour moi seule. Je dus penser de suite à tirer parti de mon talent de pianiste. » C'est alors que le père Sandre, qui m'aimait beaucoup, songea à me faire travailler avec son fils. Maximilen avait peu de temps libre II consentit cependant à se charger de moi pour me perfectionner, et il commença ses leçons. J'accourais chez lui chaque fois qu'il pouvait me recevoir... 11 allait mettre de « l'âme » dans mon jeu ! » Maître impérieux, dur et violent, Maximilien Sandre commença à me rompre, à "me malaxer sous une terrible discipline. Je m'efforçais, tremblante, à le satisfaire ; j'éprouvais pour lui une admiration sans borne. » Un jour qu'il avait été plus méchant, plus rageur que d'ordinaire, j'éclatai en sanglots. Vous devinez le reste. Quelques minutes après j'étais dans ses bras. » Tu >' m'accuses d'être méchant, me disait-il, « c'est parce que j'ai voulou lutter contre * moi-même, Marie... c'est parce que je « sentais bien que j'allais t'aimer ! » — Alors ? demanda la comtesse d'Astrée, toute tendue de curiosité. — Alors... oh! c'est bien simple! Ce furent six mois d'immense bonheur. Je l'adorais !... — Six mois ? — Six mois. Ensuite Maximilien fut repris par sa vie d'homme, par sa vie d'artiste fêté, célèbre. Je connus ses trahisons, et je connus aussi toutes les tortures. La souffrance commençait pour moi, cette souffrance qui accompagne les écroulements, les ruines définitives. Comme j'avais un immense orgueil, je rompis et je m'en allai toute seule dans la vie. Mais comme j'étais pauvre et qu'il me fallait vivre de mon métier, je m'ôtour-dissais dans un travail sans trêve. « Je commençais à réussir. J'avais plusieurs leçons excellentes ; je donnais quelques concerts. Mes succès, je les accueillais sans plaisir, avec une âme morne. Or, un jour, je jouai, dans le grand concert de Piteski, le déchirant adagio de la Sonate au clair de lune. » J'y avais versé toute mon âme, toute ma détresse. Ah ! oui, cette fois, je comprenais ce que c'est que la musique, quelle plainte, quel cri !... J'avais électrisé la -salle. On vint en foule me féliciter — comme ce soir, ma chère Gilberte. Mais je me sentis pâlir et mes jambes se dérobèrent sous moi lorsque je vis Maximilien Sandre qui s'avançait les mains tendues.» Etrange inconscience des artistes ! Il me tira un peu à l'écart et me dit ces paroles textuelles : « Marie, je me suis » très mal conduit avec vous et je sais » que je vous ai fait beaucoup de peine. » 11 faut me le pardonner, parce que, « sans cette souffrance-là, jamais vous » n'auriez pénétré le sens profond de la « vie et, après ses exaltations, compris » ses désespoirs... Et jamais vous n'eus-» siez joué cet immortel chef-d'œuvre « qui nous a bouleversés comme \ous « venez de le jouer ! » « Maximilien Sandre avait raison, Gilberte. « Et voilà pourquoi je ne souhaite pas que vous' mettiez jamais de « l'âme » dans votre jeu. Cela signifie trop de tristesse ! « Mes leçons de piano seront plus douces, ma chère petite comtesse chérie... Vous n'avez pas besoin, vous, de vous déchirer le cœur pour émouvoir une salle ! Evitez ces drames-là ! Ils sont atroces ! :> La comtesse d'Astrée, toute jo!ie et toute rose, réfléchissait. Elle leva enfin la tète, les yeux brillants. — Ah ! Marie, comme je voudrais pourtant les connaître ! Pierre VALDAGNE.

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