Pourquoi pas?

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Cinquième Année. — N° 215 JEUDI 28 MAI 1914 Pourquoi Pas? r QAZETTE HEBDOMADAIRE PARAISSANT LE JEUDI SOIR L. DUMONT-WILDEN — G. GARNIR — L. SOUGUENET ADMINISTRATION : 4, rue de Berlaimont, 4 BRUXELLES Les abonnements pour la cinquième année partent du 16 avril 1914 et vont jusqu'au 9 avril 1915 ABONNEMENTS s Belgique. . . fr. 7.5O Etranger. ... 1 2.0 O LE NOTAIRE POELAERT « Notaire! C'est un notaire! » Immédiatement s'évoque en nous l'image d'un monsieur grave et paternel, un peu provincial d'allures, avec une redingote noire, une cravate au nœud classique. Habitué à donner des conseils, à écouter des confidences, il a pris le ton onctueux des confesseurs. C'est une sorte de chanoine laïque : il en a la rotondité bedonnante qui dénote la respectabilité et un amour intelligent de la table — et il a conservé de ses études classiques un penchant pour Virgile et pour Horace, qu'il apprécie surtout lorsqu'il chante Lydie. Eh bien, ce n'est pas ça du tout lorsqu'il s'agit de M. le notaire Poelaert. Il n'est pas de notaire qui ait moins l'air du notaire classique. En lut, le notaire semble secondaire. C'est un notaire, mais c'est d'abord un gentleman. Il y a le gentleman farmer, le gentleman rider; il y aie gentleman no-tare: c'est Albert Poelaert. Grand, élégant, svelte, distingué, il a le charme, l'aisance d'un gentleman accompli; au premier abord, on dirait un secrétaire d'ambassade, un de ces hommes dont la fonction est de sourire, de se taire et d'avoir l'air d'en savoir long. Son vêtement est de la dernière coupe et sa cravate du dernier nœud. Il se meut dans son élude comme dans un salon et vous y reçoit comme si vous étiez en visite. Très mondain, ayant l'amour de la société, de « sa » société, il parvient, avec un tact, un doigté amusants à observer, à être accueillant, familier même, jusqu'à la limite extrême où l'interlocuteur, encouragé, se croit autorisé à franchir la cloison qui sépare les petites castes sociales. Alors, M. Poelaert a le talent de tendre ces fils de fer dont on entoure à présent ces enceintes fortifiées; ils sont invisibles, mais ils empêchent néanmoins d'approcher. 111 Cet élégant, ce Brummel du notariat, n'en est pas moins un excellent notaire, un administrateur avisé et prudent, un conseil averti. Ce notaire moderne a les grandes traditions de son ordre. Fil$ d'un des principaux notaires de Bruxelles, il succéda à son père, maintint et fortifia la réputation de l'étude paternelle. Il est le neveu de Joseph Poelaert, le génial architecte du palais de justice. Et en lui s'allient parfaitement le sens des affaires et le goût de choses d'art, de ce qui décore agréablement la vie. Cette distinction naturelle, cette élégance qui fait dire du notaire ce qu'on dit de certaines femmes: « Il a la ligne! » n'a pas qu'un intérêt décoratif : elle forme autour de lui une atmosphère de sympathie et d'autorité dont on a profité immédiatement. L'homme du monde sert le notaire au moins autant que le notaire sert l'homme du monde. 1 1 2 Or, cet élégant notaire est le président de la Grande Harmonie et la Grande Harmonie passe à Bruxelles pour la citadelle de ces vieilles mœurs bruxelloises, que les familles Kakebroeck, Beu-lemans, Platbrood et Van Mol incarnent en littérature, qui sont certainement fort sympathiques, mais qui n'ont rien de mondain. La Grande Harmonie, il était acquis que c'était la société du « bas de la ville » et le cercle artistique, la société du « haut de la ville ». Comment, diable, le notaire du haut de la ville est-il devenu le président d'une société du bas de la ville ? Le fait est qu'un jour il y apparut en sauveur. La vieille société bruxelloise, faute de direction, était menacée de mort prochaine, quand elle eut l'heureuse idée de s'adresser au notaire Poelaert et de lui offrir la présidence. M. Poelaert accepta, par ce besoin d'être agréable qui lui est particulier; les effets de cette heureuse acceptation se

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