Le matin

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s.n. 1914, 24 Juillet. Le matin. Accès à 28 mars 2024, à https://nieuwsvandegrooteoorlog.hetarchief.be/fr/pid/6q1sf2n895/
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fj^dredi 24 Juillet 191 IIUIT PAGES — CI.\0 CKMTIMES 21me Année — N° 205 ► JilÉDACTI0N Bsg VIEILLE BOURSE, 39 ■ ' y'AlSVERS B "jfléphone Rédaction : ^jjojmemenîs : i Un an ■ • • < • -T• 1^5.OO , -in Su mois G. KO ■ 0* j ^rojs mois . • * . 3 • îïO (Un ail • • • • • » 1 €5.OO I. i»™™ J Sir mois ..... S.îîO ■ 'sTE j Trois mois .... ïî.OO ■, _. France, Angleterre, Allemagne et Union ■ dite par trimestre, fr. D.OO. - Hollande et | £1 *hé, rar trimestre, fr. Ï.OO. H ÇA îinnrsuit, iusou'A refus formel. LE MATIN ADMINISTRATION 39,VIEILLE BOURSE, 39 AÎVVEÏtS Téléphone Administration : 961 C. de CAUWER, Directeur An n onces : Annonces la petite ligne, fr. 0.30 Annonces financières id >1 OO Réclames la ligne, » 1 -KO Faits divers corps îd. > 3.00 Chronique sportive id. ». 3.00 Faits divers fin id. j V-OO La Ville id. > ÎÎ.OO Emissions Pris à convenir. Les annonces de la France, de l'Angleterre et de l'Amérique sont exclusivement relues à Bruxelles chez MM. J. Lebkgue & C». JOUimAIj QUOTIDIEN J'ai mes nerfs ! 10Uel est le poete dont la muse, un soir, u U pas chanté l'angoisse et le trouble de la Cjvrose? Cette maladie se conçoit chez les r artistes qui, par instinct, doivent être les 1 créatures les plus sensibles et les plus sus- 8 ceptibles de subir des influences compli- r „uees et diverses. Mais, que des commer- <; fants, des ingénieurs, des employés se pré- ° endent atteints d'une nervosité anormale, mie l'univers entier, dans ses erreurs et ses c changements d'humeur, se retranche der- r tière cette excuse? Il y a là, évidemment, c un excès à combattre. Les nerfs se sont ré- c veillés. Ils ont vibré.Ils ont ordonné l'obéis- r fonce aux divers ressorts de la machine £ humaine. Ils ont asservi non seulement ' l'esprit, mais le cœur et l'âme du monde: c la névrose est la souveraine dangereuse de G fipoque contemporaine. Si l'on n'y prend c garde, elle menacera l'équilibre de la so- £ ciéte,après avoir détruit celui de la famille. , La forme courante de la névrose se révèle s par une phrase coutumière; chacun la £ comprend et, cependant, elle ne signifie ^ pas grand'chose. Le chef de bureau qui s'a- r gite du matin au soir, qui poursuit ses su- r lalternes de l'incessante obsession de ses I Marques et corrections, pour s'excuser F Ksi-vis de lui-même, dira: .« J'ai mes r pris! » ® Notez que nous ne faisons allusion à au- c eun personnage anversois: nous parlons 1 d'après des souvenirs du temps où notre 1 muse était... emprisonnée. le mari, en rentrant chez lui, trouvera le 8 jiner mal préparé; le potage sera trop fi chaud, les mets seront trop froids, et, pour ^ jue sa femme supporte son orage d'obser- j vation, il lui avouera: « J'ai mes nerfs. » Le * jeune enfant se pâmera sur le plancher c ras le vague prétexte que sa bonne lui tea refusé,bien innocemment, le rayon de I soleil qui entre dans la chambre ou la lune * pi se reflète dans une flaque d'eau; la ^ mère, apitoyée, surviendra, et, pour ne *-point déplorer les excès de cris, de sanglots * et de gestes de son digne rejeton, murmurera: «Il a ses nerfs! » [C'est la phrase stéréotypée. Chacun se pnet d'« avoir ses nerfs ». C'est aisé; c'est parade; c'est à la portée du naïf et de îïntelligent, et, si jamais quelqu'un éprou-fede l'envie, de la méchanceté, de la colère bu de la haine contre autrui, l'excuse, en tas de révélation, est toute faite. Ceux qui l'emploient s'étonnneraient fortement si sa sonorité familière ne faisait pas s'incliner fout le monde. Ils ont tort cependant. S'ils y réfléchissent, non seulement ils ne se retrancheraient plus derrière cette facile formule, mais encore ils éviteraient de se mettre ians la position qui la fait surgir: de deux choses l'une, ou l'on est en « mauvaise posture», comme dit le vulgaire, et l'on doit ivoir recours à la phrase rédemptrice, ou ■ouest « the right man... »,et l'on n'a point lesoin de s'innocenter. Les nerfs coûtent cher à notre éppque. En obéissant à leurs mauvaises suggestions tas nous soumettons à leurs volontés. Ihabitude est une seconde nature. Dès que ions aurons reculé devant l'effort nécessaire pour vaincre ces dangereux et inconscients conseillers, nous serons à la merci le toutes leurs attaques. Le corps humain pie 1 esprit est incapable de diriger, le . C01'ps humain qui doit obéir ■ aux impulsons nerveuses, est comme un navire désemparé sur l'océan de la vie: il est bouscu-e «ans sa dérivation lamentable par tous es vents contraires dont les forces unies c i0nt chavirer tant d'existences. Ces tour- " mentes incessantes sont des plus nuisibles : «norme de la santé publique. Rien n'in- ( le davantage sur les forces du cerveau, c ®1 activité stomacale que l'état de nervo- 1 perpétuel. Dès que nos organes princi- j .aux sont ébranlés, notre moral ne tarde 1 : O'nt à l'être. Du reste, les gens qui se mon- c ent trop nerveux sont infailliblement ^ l 'es par le spleen, l'ennui, la neurasthé- 1 le. et leur tempérament s'épuise au point t J ne plus posséder l'énergie nécessaire P°ur trouver dans la vie des sources de joie c de bonheur. De là, quantité de suicides, ,un de nos collaborateurs a pu dire s Ie. victimes étaient tout bonnement £ Nés. A ce propos, une lectrice du < r »n a bien voulu nous dire: « Je ne suis J loii ? av's e^> incontinent, elle nous c lui-j c"er ^r°is ou quatre exemples: le c ' demande-t-elle, d'une personne | < j !raj' d'une maladie incurable est-il * La♦ une lâcheté, chère lectrice, et j ET stuPidité, car les volontés et les reg- ; Lrce,s de la nature sont insondables et j . a hommes peuvent affirmer qu'il est rs maux incurables. l lant Se.eon<^ exemple de notre correspon- 1 (de médecin qui succombe s'étant ( tek * a rnalade». A vrai dire, ce n'est ; ' iontUn su'cide: c'est l'héroïsme du devoir, toijin ^eurs> nous nous empresserons { L]d urs d'exalter les exemples. De même, i en y 'ilf' cas de la personne qui se noie 1 sauver un de ses semblables l iSe'tu', eau"' Quant ^ celui du voleur qui < Est r ^ tU-r ne Pas déshonorer sa famille, Ipas n ^ re admis, mais ne croyez-vous ] Intiv vau<^ra^ mieux, alors, se tuer pré- j n'estimez-yous pas que ces ] s troueurs de lune enflent au con- ji traire le scandale?... Mais, fermons cette ■ parenthèse: le suicide est toujours une lâcheté ou une idiotie, mais il faut voir dans un dictionnaire la définition du terme avant de discuter cette opinion. \ Il est un mal tout aussi grave que fait ! naître la fâcheuse habitude d'«avoir ses . nerfs». Ce mal n'est pas en nous. Il est autour de nous. Le bonheur, en somme, n'est-il pas composé par les mille aspects de l'ambiance où nous existons? A force d'être nerveux, nous nous révélons irritables; nous faisons dégénérer les moindres ! discussions en tempétueuses disputes. Nos nerfs, croyons-nous, nous donnent le droit de n'avoir plus aucune mesure vis-à-vis de ' ceux auprès de qui nous nous agitons; eux-mêmes, d'ailleurs, nous accordent une sus-, ceptibilité persannelle vraiment excessive. J Les plus grands dévouements, les plus sitt-cères affections ne résistent pas toujours J aux assauts que livrent à leur patience nos [ outrancières sautes nerveuses. Analysons nos sensations si nous somme nerveux, et tâchons à démêler celles que nous imposons , à nos proches parents ou amis. Au lieu de . diminuer nos souffrances, nous les alirnen-[ tons, nous nous autosuggestionnons, nous [ nous persuadons que nous sommes malheureux. Nous ne songeons même pas que c'est . par notre propre faute. Nous ne daignons . pas nous apercevoir combien nous secouons, , nous bouleversons les affections qui nous enveloppaient de leurs encouragements et de leur bienveillance. Nous allons nous la-. mentant à propos de tout et de rien; nous ! reprochons à Pierre, Paul et Jacques la solitude où, pour n'avoir plus à se heurter , à nous, ils nous confident. Nous nous aveu-\ glons. Nous les accusons. Et le mal, l'irré-. médiable mal qui rompt les plus nobles liens, gît en nous-mêmes. Ayons la force de , faire une bonne fois notre mea culpa et tâ-^ chons de modifier notre état d'esprit. [ Les nerfs nous poussent à nous mouvoir ; par bonds dans la vie. Dès que le premier ^ bond voit son élan brisé, il tombe à faux. t' Certes, le mal des nerfs physiques existe. , Ces fibres constituent notre organisme; el-j les peuvent subir les atteintes de nos en-' nuis, de nos mauvaises dispositions, de !a maladie: tout cela dépend de la science , médicale. Cependant, avec un peu d'effort, l avec un peu de patience ou- d'endurance, , noire caractère doit demeurer à l'abri de [ ces influences passagères. La volonté fait } naître l'espoir. L'espoir facilite la guérison. [ Non: les nerfs que nous invoquons à l'ac-i coutumée, c'est uniquement pour nous don-l ner l'irresponsabilité dont nous avons be-. soin. Naguère, Romains et Grecs, sains et forts, n'invoquaient pas l'hystérie momentanée des nerfs. Ils avaient l'instinct de la lutte dans la vie-. Une ardeur volontaire les sou-1 tenait en tout. Ils ignoraient nos mollesses j passagères, nos découragements vains et ! ridicules. Ils n'étaient point nerveux. Aussi t se créèrent-ils des existences pour ainsi dire t dorées, alors que nous, déprimés parce que t nous le voulons bien, ayant renoncé à combattre avant même qu'on nous offrît la bataille, nôus avons, en vraies femmelettes j d'une humanité veule, nos nerfs, nos tristes et dangereux nerfs. ' Virelles. Reportage parisien (Correspondance particulière du Matin J LE PROCES DE Mme CAILLAUX EN COUR D'ASSISES. — LES PREMIERES AUDIENCES. LUNDI, 20 JUILLET. — C'est le 16 mars dernier, — voici par conséquent quatre mois — quelques instants avant de voir sortir de l'hôtel du Figaro, étendu sur une civière et recouvert d'un tapis de satin cerise, M-. Gaston Calmette blessé à mort, qu'il me fut donné d'apercevoir pour la première fois Mme Cail-laux. Entourée de gardiens de la paix et de journalistes, elle descendait avec tranquilité l'escalier de l'hôtel pour gagner l'automobile qui devait rapidement la conduire au commissariat de police du faubourg Montmartre. J'ai dit à cette date aux lecteurs du Matin l'impression que m'avait faite la femme du ministre des finances d'alors. Je viens de revoir Mme Caillaux au banc des accusés. Ce n'est plus la même femme. N'ayant pas à fournir ici un compte rendu sténographique des débats, ie ne désirerais, en l'espace qui m'est réservé, que donner quelques aperçus et quelques impressions, sans qu'il entre en quoi que ce soit dans ma pensée d'être pour ou contre l'accusée — ce qui n'est pas dans mon rôle, on en conviendra. Je crois d'ailleurs fermement que si Mme Caillaux, au lieu de tuer un journaliste, avait 'tiré sur un agent de change ou sur un coiffeur, la presse ne se serait pas emparée de la façon dont elle l'a fait, de l'affaire, et celle-ci se présenterait aujourd'hui sous un jour tout à fait différent. Ce matin, le brouhaha était intense, dans la salle de la cour d'assises, lorsque M. le président Albanel y fit son entrée — à midi et demi environ — suivi de trois conseillers en robe rouge, et de M. le procureur général Herbaux, dont le teint fleuri se marie à la pourpre, cravate de la Légion d'honneur, et qui s'essayait à être solennel sous son hermine. En même temps, les jurés gagnaient leurs bancs, braves gens qui sont tous de petites gens, à l'air convaincu et quelque peu craintif. C'est pendant que M. Albanel —■ court, trapu, et qui ferait peur s'il n'avait une voix i si curieusement douce, une voix — qu'on me ; pardonne — d'« homme à femmes » — prononçait le discours d'usage concernant le cal-| me et la dignité des débats que Mme Çail-1 laux parut. Personne ne la vît tout d'abord I tant la cohue était folle (ai-je dit que le public avait été remplacé dans la salle par des agents de la Sûreté en bourgeois î Que la foule est constituée par des avocats en nombre si grand que les journalistes et chroniqueurs judiciaires ont peine à se placer? Qu'aucune femme n'est présente, exception faite pour trois femmes de lettres, Mmes Annie de Pêne, Marguerite Durand et Daniel Lesueur?) personne ne la vit, ou plutôt ne la remarqua. Le garde municipal qui barrait la porte menant au boxe des accusés s'étant effacé, Mme Caillaux pourtant s'était glissée à son banc. Au moment de s'asseoir, elle chancela, une marche qu'elle n'avait pas vue ayant failli la faire tomber. C'est alors que nous la vîmes bien en face. Elle n'est plus ce qu'elle était, celle que la photographie a fait connaître au monde entier. Même elle apparaît aujourd'hui plutôt frêle, entre les gardes républicains massifs qui l'encadrent, et ses traits fins et réguliers, hier encore un peu puérils, ont pris de la gravité. Son visage s'est amaigri, mais il a plus de caractère qu'auparavant. Les yeux, d'un bleu étrange, brillent curieusement; la bouche est petite, aux lèvres minces; le nez droit. Mme Caillaux, svelte et blonde, est toute vêtue de noir, sobrement. Son chapeau, une toque de paille noire qu'agrémentent deux vastes ailes sombres, fait plus clairs encore ses cheveux d'or. Quelqu'un m'a dit : « C'est un Greuze. » Non. Mais c'est assez bien cette « Madeleine » du Corrège que la chromolithographie a popularisée. Cette Madeleine est très belle. Mme Caillaux aussi est très belle. Elle est très habile aussi. Tout à l'heure, elle se montrera telle qu'elle est, c'est-à-dire ardente et froide à la fois, sèche et passionnée, volontaire et insensible. Lorsque le président lui demandera quelques précisions sur les faits articulés dans l'acte d'accusation, Mme Caillaux, tirant un petit dossier dont toutes les pièces sont minutieusement classées, parlera. Elle parlera d'une voix sourde d'abord et avec précipitation, en jetant à gauche et à droite des regards apeurés. Elle sera une enfant une toute petite enfant, à qui l'on a appris sa leçon et qui a peur de ne pas1 la réciter à la satisfaction du Maître. Mais bientôt, au fur et à mesure qu'elle évoquera les premiers jours de son amour et les premières heures de son second mariage, tout emplis d'angoisse et de terreur, d'appréhensions et de chagrin, son ton s'affermira et elle redeviendra elle-même. Du moins ce qu'il apparaît qu'elle doit être en réalité. Sa voix se nuancera : douce par instant, attendrie et corgm.e zézavaptè, elle se fera violente, autoritaire, suppliante, 'et Sèche tour à tour. Debout les regards tournés vers les jurés, Mme Caillaux frappera la barre du banc des accusés de ses mains qui sont petites en gantées de noir. Elle aura les mots qu'il faut pour dire ce qu'il faut, les expressions précises et nettes. Elle prononcera sans faiblir un extraordinaire plaidoyer — pour ne pas dire une plaidoirie — avec le même ton cassant qu'avait son mari à la tribune de la Chambre.Et voilà la vérité : cette femme porte er> elle et en tout l'empreinte de son mari; elle a sa facilité d'élocution, son adresse. Elle a dû l'adorer et semble l'aimer encore à la folie — on a dit « comme une bête ». C'est lui qui la défend ici, alors qu'elle parle. C'est lui qui dit ce qu'elle dit, fait les gestes qu'elle fait, a le style qu'elle a. Ou plutôt c'est elle qui s'est identifiée à lui d'une façon à tel point parfaite qu'on en demeure confondu. Mme Caillaux (ce sera sa plus grande faute au cours de ce procès) ne paraît avoir d'ailleurs aucune sensibilité. Jamais de cris, à peine quelques larmes, et qui ne sont pas des larmes de femme. Mais des façons d'orateur, d'éloquents mouvements de mains, croisements crispations qui donnent l'impression — mais rien que l'impression — de sentiments d'émotion, de douleur. En connaissance coûi-plète de sa cause, elle a préparé des réponses à toutes les questions probables ou possibles, et elle les donne avec une présence d'esprit et un sang-froid qui ne se démentent pas un instant. Cette accusée, c'est un homme d'action, un cerveau remarquablement organisé qui fait fi des questions de sentimentalité et qui agit. Voir Mme Caillaux, l'entendre, c'est expliquer — je dis « expliquer » — son acte, son crime : elle- n'a pas, excédée, été « assassiner » M. Calmette. Persuadée que celui-ci commettait quotidiennement contre son mari, contre elle, contre son bonheur, un attentat, une mauvaise action, une crime, elle a été 1' «exécuter ». C'est du moins l'impression que j'ai d'elle, après cette première audience. * * * MARDI 21 JUILLET. — Avant l'heure fixée, peu de monde dans les couloirs. Le procès, comme on dit déjà, ne fera pas recette : les gens du monde sont à la mer ou ailleurs, ■ et le peuple sait bien qu'il est ici question surtout de politique. Les héros du drame ne . l'intéressent que peu d'ailleurs, sinon pas du tout: M. Calmette? Un journaliste, et qu'il • ignorait. Mme Caillaux ? Une « dame », une r bourgeoise riche qui, parce que riche et femme , de ministre, sera — du moins en est-il convaincu — jugée sans sincérité. Le peuple dit : « Elle sera acquittée, naturellement » et le . reste ne lui importe guère. Quelques bandes d'Anglais en tournée Cook parcourent la Galerie Marchande et la Galerie Lamoignon, avec la nîine effarée qu'on leur connaît. Des gardes massés devant les entrées réservées aux magistrats, • aux jurés et aux avocats, les font circuler. Pour tous ceux qui ont l'honneur d'assister aux débats, la consigne est très sévère, plus sévère qu'aux jours cependant mémorables de l'affaire Steinheil ou de celle des Bandits : il faut montrer « carte blanche » à diverses reprises. Dans la Galerie de Harlay, voici tour à tour Mtre Labori, bon géant pressé ; Mtre Chenu, le bien nommé ; M. Robert de Fiers à l'immuable sourire ; M. Alfred Capus, monocle à l'œil ; M. Arthur Meyer, ancestral, et Guy de Cassagnac, matamore breveté ; quelques avocates dénuées de ! grâce (pourquoi ?) ; Mme Estradère — la pô-; vre I — et M. Ceccaldi à la barbe fleurie, M. jCecçaldi le Bertrand de M. Caillaux que voici, d J en haut de forme et redingote, haut en cou-i- leurs un peu solennel. L'ancien président du !S conseil croise M. le bâtonnier Henri-Robert qui la lui serre les mains avec effussion. Mais comme i- il est midi et quart, les couloirs se vident et i- les portes de la cour d'assises se ferment. ? 6 1/2 heures. — Le procès a pris tout à coup n vers quatre heures de l'après-midi une telle a- ampleur, grâce à la déposition de M. Joseph el Caillaux, que l'on a pu se croire un moment ie — et la présence de Mtre Labori aidait à cette it évocation —- revenu aux jours les plus ardents it de l'Affaire — celle qui s'écrit avec un grand A. ie L'ancien président a pris alternativement, en le effet, avec une habileté, un sang-froidv — on ie pourrait dire une audace et même un «tou-îe pet » — formidables, la défensive et l'offensive et il a prononcé' un discours, d'ailleurs la remarquable, mais qui a suffi à provoquer n- des incidents véritablement tumultueux, ût M. Paul Bourget avait déposé de façon à fs décevoir tout lè monde, M. Paul Bourget,, en-s, graissé, vieilli et falot. D'autres témoins de a- moindre importance avaient défilé, interrogés js à peine par le président (dont l'attitude est m bien faite pour surprendre, il faut le dire), u- Puis ç'avait été le tsur de M. Latzarus du 't. Figaro. M. Latzarus était blanc comme un e- fmge lorsqu'il s'approcha de la barre. Il était ie si ému qu'on crut tout d'abord qu'il allait ix pleurer. Très mince, les cheveux: chatains, les re yeux marrons qui s'enflamment dans une figure émaciée, les mâchoires serrées, il fait ■ » penser à une lame de couteau prête à tran-! » cher. Sa déposition, dite d'une voix basse, fut o- claire, nette et accablante. Elle concernait les ie papiers que dût posséder M. Calmette. Mais comme îf. Latzarus disait: «Je pense que tout e, bon Français qui les aurait lus aurait dû re conclure à l'infamie et à la trahison de l'hom-n- me qui était mis en cause dans ces docu-'é- ments», tel un énorme diable jaillissant de ar sa boîte, Mtre Labori, dont les larges manches n, s'envolaient comme de gigantesques oiseaux nt de nuit, se dressa et bondit : « Il faudra que -s- le témoin répète cela devant M. Caillaux ! » le Ah ! la belle colère ! et quel splendide avocat, à Mais Mtre Chenu est là, sec comme un bon le vieux chien de garde, qui a l'air de dormir, à mais qui dort en gendarmé. Tout de suite, il le dresse l'oreille et le voici qui prie M. Latzarus 'e- de parler du document Fabre. Le duel com-°- mence. Les avocats, les stagiaires, les journa-es listes tendent le cou. L'auditoire respire la ut fièvre: le calme relatif qui y règne est pré-n- curseur de la tempête. Et la tempête vient — et sous un crâne — en la personne de M. Cail-'il laux. ix il entre. Assez de portraits de lui, toujours et ressemblants, ont été publiés pour qu'il ne ;0" soit plus besoin de fixer sa tenue, son allure, le_ comment il marche la tête haute, le regard 118 dur, à pas saccadés. Homme à poigne, homme u- violent et autoritaire. Il est certain qu'il en es impose. Aujourd'hui sa tête n'est qu'une boule ur cramoisie. Il entre et regarde profondément et sa femme. :X" L'accusée, elle, s'est accrochée à son banc. re ■ Les muscles de son cou très blanc sont ten-nt dus. Elle considère « Son homme » comme si n- depuis des années elle ne l'avait pas vu. Elle l'a vu il y a quelques heures. Ses yeux, que voici baignés de larmes, sont la chose la plus [le triste, la plus émouvante que je sache. Dans ,a la salle, on ne fait plus attention au témoin; tous les yeux vont vers ces yeux d'un bleu ^ lavé qui crient la tendresse. Etrange femme! Faut-il parler de la déposition de M. Cail-n laux qui dura deux heures et demie, où toute tel sa vie intime comme sa vie publique furent u étalées? Faut-il dire l'impression que cette plaidoirie fit sur l'assistance, le silence for-jj_ midable et cruel dans lequel on l'écouta, l'at-à tention de tous, énervée, exacerbée, et le calas me de celui qui parlait? Les journaux la re-•a. produisent tout entière. Ce qu'ils ne diront 3i. pas, ce que j'aimerais à peindre ici, c'est 3n l'attitude de l'accusée pendant ces minutes its interminables. Mais est-ce possible? Mme (n- Caillaux ne quitta pas un instant la pose m- qu'elle avait prise à l'arrivée de son mari, si- Elle buvait les paroles de celui-ci, suivait 3s- tous ses mouvements, tous ses gestes. Comme as au théâtre, on se prend parfois à faire en tnême temps que l'acteur qui est en scène, un tôus ses gestes, tous ses mouvements, lors-fi qu'il était ironique elle souriait; lorsqu'il se ;it. penchait vers la barre, §lle se penchait; s'il ili- parlait haut, on eût dit qu'elle allait crier; si on sa voix s'attendrissait ou se voilait, elle êcla-r » tait en sanglots, de vrais sanglots convulsifs et- — des sanglots d'homme qui pleure. J'en /l'e avais eu hier l'impression: cette femme ne m- vit que par son mari. Si j'ose dire: c'est une bête à sa proie attachée! Ah! — la politique le, — qui reviendra tout à l'heure sur le tapis n'est plus ici en question. Voici le drame familial, voici le drame passionnel. Ce que j'écrivais hier soir est décidément la vérité. Cette femme a défendu son amour — et, chose curieuse, à cet instant même, personne n'en doute. Il n'est pas jusqu'au garde républi-les cain qui voisine avec Mme Caillaux qui ne rs' tortille sa moustache, fébrilement. on Emotion éternelle des vieux souvenirs, des cendres remuées, du passé qui ressuscite! I1! Tous les hommes qui sont là ont, eux aussi, 1 p de vieux souvenirs, peuvent aujourd'hui, de-main avoir à remuer de vieux papiers jau-r: nis, qui furent des lettres de tendresse, qui fu-it" rent de la joie et de la beauté... Et l'émotion j ' de l'accusée gagne tous les cœurs, et quand elle pleure, que des hoquets la secouent, il ok y a un vieux juré, là tout au fond, qui se rje détourne pour ne pas la voir. :Ur Mais voilà le rapport Fabre, les négocia-ies tions franco-allemandes et M. Caillaux prend l'offensive... Voici la confrontation néces-[Uj saire avec M. Latzarus. Le rédacteur du Sj_ Figaro est plus pâle encore que tout à -l'heure, lrs mais §on énergie s'accuse. Il dit: « M. Cail-eil laux ne peut pas me reprocher d'apporter rte mon témoignage à mon patron qu'il a fait rio assassiner! » Oh! oh! La stupeur est générale, on M. Caillaux, atteint, blessé, fait un pas. La ié ;1 minute est tragique. Mais M. Albanel inter-M.' j vient et M. Latzarus s'excuse. Alors, l'ancien ur ministre a beau jeu: «Je mets au défi...» Et ia- l'accusée s'est redressée et l'accusée lève les de sourcils, et l'accusée triomphe! pô- 1 Quel couple!... Mais la discussion continue. M. J'allais écrire le spectacle, mais c'est ici ci,. qu'on se rend compte du faux pathéti- u- que du théâtre, et combien M. Bernstein est lu un pâle imagier... Mtre Labori 'hurle. D'une ui voix à faire sortir de terre Coquelin luise même, il insiste sur ceci, sur cela. Ses ailes et noires frôlent ses secrétaires, l'accusée, balaient l'espace. « Messieurs, il n'est pas pos-ip sible!... Messieurs, je n'accepterai pas!... It le est impossible, Messieurs! » Et puis, en ton-^h nerre: «Sinon, je ne plaiderai plus!» nt Mtre Labori s'est couvert. Le président lève ;te l'audience. C'est la sortie. M. Caillaux, en-its touré de MM. Ceccaldi, Almereyda et autres A- séides, sort carrément par la porte qui donne en place Dauphine. Dn Là, sur cette petite place ombragée et pra-,u" vinciale, quelques paisibles bourgeois, des in" ménagères et aussi, en nombre considérable, irs des individus en casquette que certains inci-er dents dans le XVmê arrondissement rendl-. rent célèbres — je veux dire, des agents en a bourgeois — s'étaient massés derrière des barrages de gardiens de la paix indulgents.. Quand « Jo » apparut, tout de suite, ce fut! ' ? une immense clameur, mais immense, in-descriptible: «Vive Caillaux!» Lui descendait v' lentement, comme fait Nevers au second acte des Huguenots. La cigarette aux lèvres,il contemplait la foule. Mais d'autres cris s'éle-vèrent instantanément, qui grandirent, se l " multiplièrent, devinrent quelque chose de terrible: «Assassin! Assassinl Assassin ! «Alors aii M. Caillaux éloigna du geste ses amis et fit ,n. face à ceux qui le conspuaient. C'est ainsi f„t que, presque seul, il gagna son automobile., les Cent gardiens de la paix s'étaient précipités, jis Les agents en bourgeois acclamaient l'hom-)Ut me et tout près de moi, un petit vieux, avec dû de la haine plein les yeux, s'efforçait de m. crier, sans y parvenir: « Bandit va! Bandit! » 3U' * de * * ies _ . . ux MERCREDI, 4 heures. — Des mesures specia-< ue les ont été prises à la suite de la manifesta^ ! n tion d'hier. Les galeries .du Palais sont auj at. jourd'hui fermées en leur milieu par des .on barrières. Les seules personnes qui assistent iir, au procès sont autorisées à se rendre dans la il galerie de Harlay. En outre — à la demande ■us de M. Ceccaldi, paraît-il — les journalistes m- étant trop nombreux, on a fait en sorte que la- le tiers d'entre eux n'ait plus accès dans la: la salle d'audience. On devine quels journaux ré- furent éliminés. Nos confrères avaient été. — remplacés par de jeunes personnes fort sé- lil- duisantes qui ont pénétré dans l'enceinte grâce à une carte, signée toujours de M. Cec- irs caldi. Mais cela provoqua bien entendu des ne protestations véhémentes de la part des re, évincés, et bientôt force fut à ces dames de ird laisser la place. Ceci, cependant, dit, mieux me que tout, la puissance de M. Caillaux. en Début d'audience palpitant, grâce à la dé- ule claration du gouvernement — suscitée par 3Ilt les incidents qui clorent les débats d'hier —i et que lit M. le procureur général Herbaux. nc- La politique étant éeartée du procès — pour en; le moment du moins — on en revient au meurtre. Discussions âpres entre M. Prestat, 'lie beau-père de M. Calmette, et M. Caillaux, et lue violente altercation entre celui-ci et Mtre lus Chenu, qui se termine du reste par la vic- ins toire de l'ancien ministre, à la suite de la1 in; lecture de documents, lecture à laquelle la leu partie civile ne répond rien. Puis les témoin» ne! défilent à nouveau. Voici l'employé de la mai- al1" son Gastinne-Renette qui vendit à Mme Cail- ute laux l'arme du crime. ent Je quitte le Palais pour porter ces quelques ;tte feuillets à la poste. Qu'on veuille bien m'èx- ■or" cuser s'ils sont plus longs que je ne l'eusse 'at- voulu. La cause qui se juge en vaut, je crois, ■al" la peine. J'ajoute que l'Action Française préi re" pare pour ce soir — c'est elle qui l'annonce — ont une manifestation monstre, et que le Bonnet est Rouge, organe révolutionnaire (à la solde de-*, tes puis peu de M. Caillaux), distribue dans les me rues un numéro où les détails sont fournis ose sur « la façon dont M. Calmette, presque pau- iri. vre, gagna, en quinze ans, treize millions ait Et la séance continue, me Guy Marfaux en ne, " ' LES FAITS DU JOUR LES INTENTIONS DU GOUVERNEMENT ALBANAIS Turkhan pacha, premier ministre d'Albanie, qui se trouvait depuis plusieurs jours à Paris, est parti hier pour Vienne. Le prince Guillaume et le gouvernement de Durazzo, dont Turkhan pacha est le représentant, ne considèrent pas qûe leur rôle soit achevé. Ils estiment au contraire que le succès final leur est promis, pourvu qu'ils disposent de ressources suffisantes. C'est pour trouver ces ressources financières que Turkhan pacha pare'ourt actuellement l'Europe. Il a compris, comme son souverain et comme ses collègues, que le principal obstacle à un emprunt albanais est l'inégalité que le cabinet de Vienne a voulu introduire entre les puissances, en réservant dans la future Banque nationale d'Albanie des places privilégiées à l'Autriche et à l'Italie. Pendant son séjour à' Vienne, il va s'efforcer de persuader le comte Berchtold qu'il est préférable de proclamer l'égalité absolue des puissances. D'après le projet qui est approuvé par le gouvernement de Durazzo et que Turkhan pacha va recommander au Ballplatz, les puissances auraient donc des voix égales dans le conseil de la Banque albanaise. Le président de cette banque serait un Albanais ; les vice-présidents seraiént l'un Français et l'autre Anglais ; enfin les administrateurs délégués seraient l'un Autrichien et l'autre Italien. Ce projet paraît avoir été accepté à Paris. S'il trouve également l'adhésion de l'Autriche, sa réalisation semble eertaine. On s'occu-| perait alors d'émettre un emprunt albanais de

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Cet article est une édition du titre Le matin appartenant à la catégorie Liberale pers, parue à Anvers du 1894 au 1974.

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