Le petit belge

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s.n. 1914, 02 Août. Le petit belge. Accès à 29 mars 2024, à https://nieuwsvandegrooteoorlog.hetarchief.be/fr/pid/m61bk17g7c/
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DIMANCHE 2 AOUT 1914 iflinisMoîi 4, Impasse de la Fidélité, 4 Bruxelles ABONNEMENTS pour toute la Belgique a Un an 8 franc Six mois .«..«.•••• . • . • « 4 — Trois mois 2 — Pour l'étranger, le port en sus» Le Petit Belge DIMANCHE 2 AOUT 1914 Mirai et Réfaction : 4, Impasse de la Fidélité, 4 Bruxelles ANNONCES & RIÎCLAMISS Pour tout ce qui concerne 11 publicité «dresser directementet excluaivemen à la DIRECTION DU JOURNAL, 4, im passe de la Fidélité à Bruxelles Su nous en sommes la mobilisation et sa sipificatioi _ L'arrêté royal décrétant la mobilisatioi générale de l'armée belge a porté au plu: haut point l'émoi de nos compatriotes. La mesure est, en effet, des plus impres sionnante, parce qu'elle suppose l'aggrava tion des symptômes de la crise européenne. Mais le public doit se rendre compte aussi avec bon sens |t sang-froid, de ce qu'elle implique dç sécurité augmentée pour l'indépendance nationale et l'inviolabilité du territoire.Rien n'est mieux de nature à nous préserver des horreurs de la guerre qui menace d'éclater à nos frontières, que de montrer aux puissances qui nous entourent que la Belgique est absolument prête à faire tout son devoir et résolue à l'accomplir quoi qu'i; advienne. Grâce au vote providentiel de la réorganisation militaire, en 1913, et à l'activité déployée par le département de la Guerre, depuis lors, notre force armée est devenue redoutable à tout qui s'aviserait de v oler notre territoire. Croyez-vous qu'en cas de guerre, une puissance quelconque ait assez peu de bon sens pour s'exposer, de gaîté de cœur, à voir se tourner contre elle, avec les forces qu'elle aurait directement provoquées, les 150,000 hommes de notre armée active? Croyez-vous qu'il soit indifférent à une armée étrangère de se voir menacer de liane, pendant une marche stratégique à travers notre pays, par des forces jeunes, instruites, aguerries, bien approvisionnées, bien commandées et conscientes qu'elles luttent pour la conservation de l'indépendance nationale? Or cet effet de prévention et de préservation de la guerre que nous avons voulu nous ménager par notre récente réforme militaire, ne peut évidemment être atteint, en des circonstances comme celles que nous traversons, que par la mise de l'armée en état d'emploi. C'est à ce signe seulement que les puissances reconnaîtront le caractère sérieux de notre résolution. Il faut qu'elles aient le sentiment que, voulant rester neutres, nous sommes en mesure tout ensemble de faire respecter notre volonté et de remplir les obligations internationales qui en sont la suite. Ainsi supprimons-nous, autour de nous, s'il en pouvait être question, à la fois toute envie de nous molester et tout intérêt a nous envahir. s mobilisation générale de notre armée, a côté de ce qu'elle suscite naturellement d émotion, doit donc avoir pour effet d'accroître, dans l'esprit public belge, le sentiment de la sécurité générale. L'heure a beau être grave : nous faisons bonne garde. La France et î'AHemaqne assa--»—.-î.qu'ils respecteront notre neutralité.Ajoutons que le gouvernement n'aurait pu différer plus longtemps d'ordonner la mobilisation sans manquer d'égards envers les puissances voisines, liées à nous par l'enga gement presque séculaire de garantir notre neutralité et auxquelles nous sommes nous mêmes liés réciproquement par la promesse de la défendre. Ces puissances, en effet, 0111 très naturellement invité la Belgique à lui donner l'assurance et la preuve qu'elle n( laisserait violer son territoire au profit d'aucun des belligérants. L'assurance a été donnée et la preuve est maintenant faite. En retour, hâtons-nous de le dire, les mêmes puissances ont loyalement assuré notre gouvernement qu'elles respecteraient . notre neutralité. Le fléau de la guerre passerait donc en trombe à côté de nous, mais en nous épargnant. Voilà le gage que nous donne notre mobilisation. Loin de s'en émouvoir, il faut remercier la Providence que nos forces aient pu être levées et concentrées sans incidents. Rien de plus réconfortant que l'attitude des réservistes affluait à leurs dépôts respectifs. La plupart, mariés et pères, ont été rappelés au milieu de la nuit et aux premieres heures du jour ; arraches brusquement aux joies paisibles de l'existence familiale, ils ont fait instantanément et bravement leur sacrifice.Au moment de leur débarquement, leur contenance respirait une résignation courageuse et même joyeuse. On sent en eux une troupe pleine de volonté, froidement résolue à accomplir la tâche qui lui est confiée par le pays. Un devoir pour notre bourgeoisie Ce n'est pas eux, les braves, qui sont à plaindre, mais leurs jeunes femmes, leurs petits enfants, les vieux parents qu'ils laissent au logis, dalis l'anxiété et souvent même dans le dénument. Le gouvernement .alloue, à chaque femme de soldat rappelé qui en fait la demande, une indemnité d'un franc par jour, plus cinquante iwiim 1 ifii iw mai 11 m , i mini —iwiflii i ■ ■ — H-iSt Oex-Soio et ses voisins centimes par enfant, avec un maximum de deux francs par foyer. Nous n'hésitons pas à dire que cette indemnité est insuffisante. Peut-être, dans l'état présent des choses, serait-il imprudent pour le gouvernement d'entamer davantage les ressources publiques. Mais à .cette prudence nécessaire ,peut suppléer la générosité privée.Un certain nombre de familles, dont plusieurs aisées, n'ont aucun membre sous les drapeaux, ni rappelé. Elles bénéficient pourtant, au même titre que celles qui acquittent l'impôt du sang, des avantages immenses que nous procure en ce moment la possession d'une armée solide et bien organisée. Ce sa crifice de quelques-uns pour tous doit être reconnu par tous et facilité par ceux qui en profitent sans y prendre une part directe. Nous faisons appel à la bourgeoisie aisée. Il serait beau qu elle se cotisât volontairement pour la formation d'un fonds de secours supplémentaire destiné aux familles nécessiteuses de réservistes. Nous émettons l'idée, persuadés qu'elle sera accueillie avec faveur. Si. comme nous avons lieu de le croire, elle prend corps, nous aurons l'occasion de reparler des mesures pratiques propres à la réa- Le temps p'il lait... et celui p'il lera Le maxûnum, un peu supérieur à 766 mm., s'observ^ sur la Bohême. Le baromètre descend sur l'est de l'Irlande, la Grande-Bretagne, la mer du Nord, le Jut-land, l'ouest de l'Allemagne, la Hollande, la Belgique, la France, à l'exception du sud-est et le nord de la péninsule hispanique; il varie peu sur le reste de l'Europe. Le vent est faible ou modéré d'entre sud-est et sud-ouest sur nos contrées, où la température est comprise entre 15° et 20°. Prévisions : Vent sud faible; orageux. générale 0>ï<0*ï<0 Voici l'avis officiel relatif à la mobilisation de l'armée : La mobilisation de l'armée esit décrétée à dater du samedi 1er août. Les militaires en petite permission, en congé limité et en congé illimité, y compris les miliciens dispensés du service en temps dé paix, inscrits sur les registres de mobi-lisatkm, exceptés ceux de 1899 et 1900^sont rappelés sous les armes. Sans attendre la réception de leur ordre de rappel, ils se rendront « immédiatement », par « la voie la. plus rapide » et la « plus directe m, dans les dépôts, corps ou forts où sont conservés leurs armes et leurs effets. Seront arrêtés par la gendarmeries ceux qui n'auraient pas rejoint,demain, au <(p»lus tard avaint douze heures». «Aucun prétexte d'ignorance ne sera admis ». Les hommes rappelés sont prévenus qu'il» ne recevront pas de nourriture avant leur arrivée au dépôt ou au corps et qu'ils doivent se munir de quelques vivres. Les chevaux de selle et les chevaux de trait, ainsi que les voitures à réquisitionner pour le service de l'armée, doivent être fournis aux commissions de remonte au jour, à l'heure et à l'endroit désignés aux < affiches placardées dans chaque commune, 1 Les agents du Gouvernement, des proviri- i ces et des communes sont tenus de prêter kèur concours aux commandants de district, aux commandants de canton ainsi qu'aux Ï bourgmestres, pour La prompte et bonine exécution des mesures concernant la mobili- Jsation de l'armée. , Seront punis conformément aux lois, les , fonctionnaires ou agents qui apporteraient ; des entraves ou des retards à l'exécution de 1 n ces mesure®. Le 31 juilîet 1914. à Le commandant du district de gendarmerie. > <v l La guerre austro-serbe ï et la Belgique 1- »o«—— * Le Roi -s « a licencié samedi matin toute sa maison militaire ne gardant à son service que trois of- j x ficiers d'ordonnance. Tous les autres officiers de la maison militaire ont regagné leur régiment.Au ministère de la guerre 18 Fait significatif : en temps ordinaire les r requêtes et les lettres de recommandation i- arrivent en foule, chaque matin,au ministère de la guerre. Samedi matin, il n'y en avait pas une seule. Par contre, dès la première r distribution postale, il n'y avait pas moins de Quatre-vingts demandes d'engagement. ; Pe&want la journée un très grand nombre u d'autres demandes est venu s'y ajouter. On a ; dû ouvrir au ministère un bureau spécial. On , nous assure qu'un député a demandé à s'en j gager. ] Les deux fils du ministre Renkin se sont j aussi engagés. La convocation des Chambres ; Toutes les mesures sont prises en prévision { d'une convocation pour la semaine prochaine des Chambres. Les questeurs se sont réunis 1 samedi matin pour faire actived les travaux, j Ils nous ont déclaré que l'on pourrait dès j lundi, si le gouvernement l'estime nécessaire, ^ réunir la Chambre. j La garde civique On sait que la garde civique, en période 1 de mobilisation, obéit à certaines réquisi- ( tions du département de la Guerre pour l'or- 1 ganisation des places fortes, où elle peut j assister l'armée dans une certaine mesure. ' Ce sont nos corps spéciaux de l'artillerie 1 qui sont mis, dans ce but, à la disposition ( du ministre de la Guerre. * Les chausseurs et les cavaliers, eux, sont £ mis à la disposition du ministre de l'Intérieur ( pour lçs besoins de l'ordre. Jusqu'à présent il a été décidé qu'un déta- ( chement de cavalerie irait à Laeken rempla- , cer la cavalerie. Deux compagnies de enas- \ seurs à pied iront à la même caserne rempla- J cer le bataillon du 8e de ligne. ( Outre cela, une compagnie de chasseurs à ] pied a été requise pour garder le dépôt d'es- ' sence de Haeren. ( En ce qui concerne la garde civique proprement dite, il faut, pour pouvoir la mobiliser, ( qu'une loi intervienne, ainsi que l'exige l'ar- 1 ticle 123 de la Constitution*. _ ^ 1 Toutefois les « bleus » sont toujours à la 1 disposition de l'autorité pour le service de l'ordre et le remplacement des garnisons. ■ A Liège, la garde civique coopère déjà à < l'organisation de la défense. Les corps spé- 1 ciaux^ sont éparpillés sur toute ia ligne de Visé à Namur et à Charleroi. Dn projet de loi Le ministre de l'Intérieur a décidé de déposer un projet de loi rétablissant la rémunération des miliciens qui ont été rappelés sous les armes. La mobilisation Elle s'est accomplie à merveille et dans un ordre parfait. Dans les villages, les hommes réveillés la nuit par le tocsin ont été sur pied de très grand matin. Et ils sont rentrés tous comme un seul homme. Nous avons appris samedi après-midi que cette mobilisation avait produit à Paris et à Berlin une excellente impfessiôn. L'amnistie Depuis quelques jours le département de la guerre a reçu un grand nombre de letties de déserteurs demandant l'autorisation de pouvoir rejoindre leur corps. Le département de la guerre .élabore en ce moment un projet de loi d'amnistie L'attitude des soldats Elle est partout excellente. Cueillons entre vingt autres cette note de la « Flandre libérale » sur les troupiers de Gand : « L'appel du soir avait été fixé, vendredi, à 9 heures, pour les hommes du 1er de ligne, et à 10 heures, pour ceux du 2e de ligne. Les soldats sont rentrés à leurs quartiers • respectifs d'une façon très digne. Pas de cris, pas de cha.nts, pas de pochards. Il y a lieu de féliciter très chaleureusement les soldats pour leur attitude des plus correctes. Tous font preuve d'un sang-froid admirable dont il y a lieu de les louer sans réserves ». A la gare du Nord Des soldats ! Des soldats ! II en arrive de partout, des boulevards et de toutes les ar-ières qui rayonnent autour de la gare. La )lace Rogier, baignée .de soleil, présente un -ableau d'une couleur intense et d'un pitto-esque achevé.On a l'impression que Bruxel-es, devenue un centre exclusivement mili-aire, est en train de se vider rapidement et jue la ville dans quelques heures sera complètement désertée. Le promeneur perdu dans ce remous, noyé [ans le flot où tous les uniformes sont con-ondus, est emporté en quelque sorte malgré ni vers la gare où se bouscule,se presse dans n va-et-vient extraordinaire, la multitude es hommes qu'a surpris hier soir l'ordre de lobilisation. Les nires voyageurs que l'on rencontre sur 3S quais envahis ont l'air, de s'être four-oyés là imprudemment et de ne savoir com-îent se tirer de ce guêpier. Ils restent là tupéfa-its, la valise devant eux, regardant 3 cortège bariolé des soldats qui se-hâtent ers les trains en partance. I faisait étouffant, il y en avait aussi, en rappes, su? les plates-formes et les marche-ieds. Une dame affairée, suivie de deux en-fints, n'a trouvé place que dans un coin de ourgon à bagages où les soldats lui ont fait lace. Où sont les beaux et joyeux départs du 1er oût, vers la mer et la campagne? Comme oyageurs, quelques étrangers qui prennent * fuite et quelques hommes d'affaires que 3urs intérêts appellent coûte que coûte en •rovince., L'ordre est parfait;, malgré l'encombre,-nent,malgré aussi que tous ces soldats soient .ctuellement sans chefs et dans un invrai-emblable chaos de régiments et d'armes. ?rès amusants parfois les uniformes sommaires de ces troupiers barbus et mousta-hus pour la plupart : leurs bonnets de po-ice, dont les couleurs sont ternies, les coif-ent vaille que vaille ; beaucoup de tuniques ont trop- étroites; les pantalons de toile tire-ouchonnent.Presque tous ces hommes paraissent tout fait résignés et même joyeusement résignés leur sort inattendu.Quelques-uns chantent; eux que des femmes et des enfants accom-iagnent, ont les yeux un peu rougis et le pectacle est souvent émouvant. Une pauvre emme, lasse de sa maternité prochaine, suit n chasseur, son mari, qui porte mélancoli-uement un petit enfant sommeillant sur son paule. Plus loin, voici un maréchal des lois des lanciers, beau gaillard, qui marche l'un pas ferme, un jeune garçon à la main. De temps en temps, un officier, en tenue de ampagne, la valise brune à la main, tra-erse la foule, l'air grave et l'allure rapide, andis que les soldats s'écartent en saluant. )es élèves de l'Ecole militaire, licenciés et evenus brusquement chefs de peloton, arri-ent isolément, sabre au côté et revolver en andoulière : ah ! nous gageons fort que eux-ci ne regrettent pas la mobilisation ! Parfois, une auto réquisitionnée passe, en ornant. Dans l'une d'elles, un artilleur et n pionnier ont hissé aux lanternes deux letits drapeaux : un belge et un anglais; on sur fait un succès ! Vers midi, le flot des soldats diminue : lécidément, notre mobilisation est remar-[uablement agencée puisque, dès ce soir, les euf classes auront rejoint. FEUILLETON DU PETIT BELGE ZiO du 2 AOUT Beau Casque PAR ERNEST DAUDET ( Suite) En d'autres circonstances, Gaston se serait impatienté de ces délais, les mêmes pour tout Je monde. Mais la présence de Marie-Thérèse en atténuait pour lui les ennuis. Loin de se fatiguer des obstacles qui naissaient à toute heure, il s'en réjouissait puisqu'ils avaient pour effet de le retenir plus longtemps en compagnie de .Marie-Thérèse. Tout était charme et plaisir dans la course qu'il faisait avec elle : les soirées qu'il passait à ses côtés au coin du feu dans les hôtelleries, les accidents du chemin, la montée des côtes qu'on gravissait à pied afin d'alléger la charge des chevaux. Il en éprouvait tant de satisfaction qu'il aurait voulu que le voyage ne finît jamais. Les heures s'écoulaient avec la rapidité d'Un rêve, et, lorsque la chaise de poste qui le transportait entra dans Paris, il regretta de voir la course franchie en partie. Il avait été convenu qu'à Paris on se séparerait. Hervas, pour qui le voyage était une fatigue. avait hâte de se retrouver à Hacquetot, et Gaston voulait l'y suivre. Mme de Ruquemare «-.i iiuoiiv,-! utitat ciûiuiil uuugctj uc a anciw quelques jours dans la capitale. La présence de la comtesse y était nécessaire pour activer la restitution de ses biens confisqués. Au bout de vingt-quatre heures, ses compagnons l'y laissèrent en compagnie de sa fille. Mais la séparation ne fut pas douloureuse ; les ans et les autres savaient qu'ils se retrouveraient. Trois jours plus tard, les deux amis descendaient de voiture à Hacquetot, devant la vieille maison des Beau-Casque. La mère Hanouard les attendait. Mais elle ne fut pas seule à les recevoir. Elle avait annoncé le prochain retour de son maître et du Fr. Hervas, et tout le village était accouru pour les saluer. Le citoyen maire, l'honnête Bonnard, ne se serait pas consolé de n'être pas présent à cette réception. Il fut le premier dont les bras s'ouvrirent pour recevoir les revenants. On se pressait autour d'eux; on les félicitait d'être encore vivants et d'avoir survécu aux batailles qui avaient fait tant de victimes. L'uniforme de Gaston, révélateur du grade qu'il devait à son courage, excitait l'enthousiasme. Il était parti adolescent obscur, sans position et sans avenir. Il revenait officier, brillant, la tête haute et chargé de lauriers. Les vieilles gens le donnaient en exemple aux plus jeunes, et ceux-ci le contemplaient avec admiration. Quand ces effusions se furent calmées, comme la nuit venait, chacun rentra chez soi. Seulj le citoyen maire resta avec 'les voyageurs, invité par eux à partager Je repas que leur avait préparé la mère Hanouard. W Pendant le souper, la conversation ne tarit pas, elle se continua quand la table eut été desservie jusqu'à une he«,re avancée de la nuit. quoique pendant 1 aosence ae Gaston et o nei-vas le citoyen maire leur eût écrit à plusieurs reprises et les eût tenus au courant de la chronique du village, il avait encore beaucoup à leur apprendre. Ils ne cessaient de l'interroger et il répondait avec complaisance à leurs questions. Elles eurent d'abord pour objet la situation de Mme de Ruquemare au point de vue de ses propriétés. Bonnard confirma sur ce point les informations que ses lettres avaient apportées à ses amis. Le château et les terres étaient toujours sous séquestre. Grâce à la vigilance du citoyen maire, ils avaient conservé toute leur valeur. Semences et récoltes s'étaient faites régulièrement pour 'le compte de l'Etat. L'Etat avait touché le prix des ventes et le loyer des fermages. C'était une spoliation sur laquelle il n'y avait pas à revenir. L'Etat ne restituant. jamais l'argent qu'il a encaissé. Mais si les revenus du domaine, depuis la fuite de la propriétaire, étaient ainsi perdus pour Mme de Ruquemare, le domaine restait intact et libre de charges. Maintenant qu'elle n'était plus émigrée, il dui serait aisé d'en recouvrer la possession. Quant aux objets de prix, argenterie, bijoux, tableaux, monnaie d'or et d'argent confiés par elle à Gaston, ils étaient toujours à la place où celui-ci, avec l'aide d'Her-vas, les avait cachés. Des détails donnés par Bonnard aux deux amis, ils tiraient cette conclusion que, si la comtesse réussissait dans^ les démarches en vue desquelles elle était restée à Paris, elle retrouverait en rentrant à Hacquetot son ancienne opulence. — Et ma pauvre abbaye, qu'en est-il advenu ? demanda Hervas une fois tranquillisé pour ce qui concernait Mme de Ruquemare. — Elle est, hélas ! un peu plus délabrée qu'au moment où vous l'avez laissée, répondit Bonnard. J'ai voulu arrêter les dégradations 1 }ue le temps fait subir à toutes choses. Mais, c oour cela, il fallait des fonds, et nous sommes trop pauvres ici pour les fournir. Sur m^s s :nstances, le Directoire de Rouen nous en avait s aromis. Il était d'accord avec moi pour empê- r :her cet antique monument de tomber en rui- é les. Mais, soit impuissance, soit négligence, 1 1 n'a pas tenu ses promesses. Ce misérable j Luyster a mis à profit l'abandon dans lequel on r aissait l'abbaye pour continuer à y prendre c des pierres. Il en a tanc pris qu'il a pu se 1 :onstruire une petite maison à la place de sa r :haumière. _ t — La maison maudite! interrompit Hervas. r te lui ai prédit qu'elle s'écroulerait sur lui. Je f îouhaite que le ciel ne lui inflige pas ce châti- 1 nent, bien qu'il l'ait mérité. f — Malheureusement, poursuivit Bonnard, r 'ex-emple qu'il a donné a eu parmi nos paysans quelques imitateurs. Malgré mes efforts, l'ab-3aye est devenue une carrière où chacun a puisé ç les pierres dont il avait besoin. Il aurait fallu i les lois rigoureuses pour arrêter ces dévasta- j lions. Mais elles manquent, et nos gouvernants négligent d'appliquer celles qui existent. On I iiraît qu'ils n'attachent de prix qu'à celles qui flattent les plus bas instincts du peuple. c Hervas leva les bras et les yeux au ciel. 1 — Oui, c'est la marque des temps où nous j rivons. Plus un peuple est corrompu, plus il j sst aisé, de l'asservir. < Un silence suivit cette réflexion. Gaston y 1 mit un terme en disant d'une voix indignée : 1 — La France telle que l'a faite la Révolution 1 est semblable aux écuries d'Augias. Il est à t souhaiter qu'un envoyé du ciel vienne bientôt ( en balayer les immondices. — Il viendra, mon fils, sois-en sûr, reprit î gravement Hervas. On l'attend, on l'espère, on j l'appelle, caT, grâce à Dieu, il n'y a pas que des re coquins dans ce noble pays. et Sur ces mots, le citoyen maire se sépara de rc ses amis. Fatigués du voyage, ils avaient be- el soin de repos. A peine au lit, Gaston s'endor ét mit. Hervas fut moins heureux. L'émotion qu'il q' éprouvait en se retrouvant dans le voisinage de ce l'abbaye, où s'étaient écoulées les années les s« plus heureuses de sa vie, dans le recueille- d< ment, dans la prière, dans la pratique de la charité, en contact permanent avec une popu- le lation dont il avait conquis le respect et l'esti- cl me,-cette émotion fut longue à s'apaiser et le b; tint longtemps éveillé. Mais sa dure existence il matérielle, au couvent comme à l'armée, avait ai fait de son corps un bloc d'acier. Lorsqu'il se re leva, il ne fut pas surpris de se sentir aussi u frais et aussi dispos que si sa nuit eût été répa- tr ratrice. la Gaston était déjà debout. ^ ^ vi — Je vous attendais, cher Hervas. J'ai pensé tique vous seriez pressé d'accomplir avant tout éi un pieux pèlerinage et je tenais à vous accom- s< pagner. q — Tu me devines toujours, mon fils, dit a Hervas. Il prit un bâton pour l'aider dans sa mar- le che que sa blessure, quoique à peu près guérie, h rendait encore lente et difficile. Mais Gaston q avait tout prévu. La petite voiture dont il se c< servait autrefois, tirée de la remise où eâle d avait attendu si longtemps son retour, station- s' nait devant la porte, attelée du vieux cheval sur lequel il montait quand il était enfant. Hervas v le remercia de son attention, bien qu'accou- g tumé à le voir lui en prodiguer cle pareilles, p et la voiture prit le chemin de l'abbaye. r Les matinées d'hiver dans le pays normand c sont souvent pluvieuses et froides. Celle de ce p jour était semblable à tant d'autres d'où le soleil reste absent. Une brume grisâtre voilait le ciel et la mer. Elle donnait au paysage une apparence de tristesse et de deuil. Aux branches sffeuillées des arbres, l'humidité dont l'écorce était imprégnée mettait une robe toute luisante 3ui s'étendait sur les prairies maintenant sans :ouleur. La mer grondait et laissait monter de ses profondeurs des gémissements précurseurs de tempête. Impressionnés par ce spectacle, les deux pèlerins se taisaient. Durant le trajet, ils n'échangèrent pas un mot. La vue même de l'abbaye, quand, du point culminant de la route, ils la découvrirent, étalée à leurs pieds, ne leur arracha pas une parole. Les yeux d'Hervas restaient attachés sur les ruines. Elles offraient un aspect plus lamentable encore que lorsque, trois ans avant, il s'en était éloigné. Le vent de la mer, aussi brûlant que le feu quand il assouvit sa rage, avait aggravé sur elles les dévastations commencées par l'incendie. Les murs étaient plus ilézardés, les toitures plus crevassées. Des poutres calcinées ne tenaient plus que par miracle aux trous dans lesquels on les avait fixées. Des ferrures violemment tordues se dressaient en des attitudes bizarres, comme les bras décharnés d'un squelette. Après les hommes, les éléments conjurés avaient marqué leur passage sur la sainte maison par des coups impitoyables et -furieux. Le lierre, ami des ruines, bien que le temps l'eût épaissi, ne suffisait pas à en dissimuler les traces. Ayant mis pied à terre devanc l'abbave, Hervas et Gaston ne s'étonnèrent pas d'en voir la grille entr'ouverte. iCe n'était qu'une preuve de plus de l'abandon auquel ces pauvres ruines restaient condamnées. Privée de sa serrure, cette griUe battait le mur en grinçant sous la poussée du vent. (A continuer.) 20 AHMÉE Ho «nq cenOme» le tiumi'n) EDITIO -j MM CEBna eemlmos le numéro 20' ANNEE — N" 214

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