L'événement illustré: revue hebdomadaire, documentaire, artistique et littéraire

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LA NOEL DE L'ENFANT MARTYR Il était une fois un petit garçon aux cheveux frisés qu'on appelait Piccolino. 11 était très sérieux malgré son âge. Mais, on ne sait pas pourquoi, ses parents le battaient toujours. Le père n'avait pas de travail et la mère souffrait de la poitrine, et vous savez tous que quand on est pauvre et qu'on a du mal, on est quelquefois injuste. Mais Piccolino avait beaucoup réfléchi. Il se disait que si son père pouvait gagner plus d'argent, il deviendrait moins cruel ; et il songeait que si sa mère pouvait guérir, elle aurait — Papa. — - Ton père ! Il ne t'aime donc pas, ton père ? — Si, des fois. C'est seulement parce qu'il n'a pas de travail et qu'on est pauvre. Ça le rend de mauvaise humeur, Alors il me tape. — Et ta mère ? — Elle est malade. — C'est triste. Chez moi, si tu voyais, c'est tout le contraire. Une idée ! T'as pas vu comme on se ressemble ? L'Enfant martyr. pour lui plus de pitié. Aussi, même sous les coups, Piccolino leur pardonnait. On ne peut pas dire que c'était un garçon insupportable, comme on en voit tant dans les familles, personne, je vous assure, ne l'eût pris pour un paresseux, quand, monté sur un tabouret, le matin, il faisait la soupe pour ses parents. Mais la soupe avait beau être bonne, il y avait trop de sel, ou bien il n'y avait pas assez de chou. Ce n'était pas d'être battu qui rendait triste Piccolino, c'était d'être battu par son père et par sa mère. Vous autres, qui apprenez l'arithmétique, vous ne pourriez jamais additionner, même en les comptant avec vos plumes à trois becs, toutes les taloches qui tombaient sur Piccolino en une seule semaine. Dans leur nombre, il y avait de véritables coups de poing, de toute la force des bras, qui l'étourdissaient, et aussi des gifles, avec les ongles, qui lui déchiraient jusqu'au sang la peau des joues. Mais il ne s'essuyait même plus, le malheureux, et s'il lui arrivait de pleurer, ce n'étaient pas ses yeux qui pleuraient, c était son cœur. # Un soir de Noël qu'il sanglotait au coin de sa rue déserte, un petit garçon de son âge, habillé comme un fils de prince, s'arrêta doucement près de lui. - Comment que tu t appelles ? Piccolino. Ce linge sur ta figure, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire un coup. — Dis plutôt des coups. Tu saignes. Faut vraiment en vouloir pour battre si fort. Lequel qui t'a frappé ? — C'est vrai, dit Piccolino, t'es rouge et frisé comme moi. — Et puis la même taille et les yeux pareils. Chiche ! Viens vite dans ce couloir. Non ! je peux pas te dire encore, mon vieux Piccolino ; seulement, dépêchons-nous ! Ils entrèrent dans un couloir sombre. Ah ! ce fut bientôt fait ! Entre les mains de son ami, les loques de Piccolino tombèrent. Il ne conserva que sa chemise. — Maintenant, c'est mon tour à me déshabiller. Vite ! voilà ma toque de fourrure, mon veston de velours. T'occupe pas, Piccolino, j'accrocherai le col par derrière ; c'est un truc ; et puis vlà mes bas et mes vernis. A présent, où donc que tu demeures ? — Rue Vieille-du-Temple, 338, au sixième, la porte à droite. Qu'est-ce que tu as ? demanda Piccolino. — Rien. C'est un clou dans ton soulier. Maintenant, écoute. Tu vois dans la rue cette belle voiture ? — Oui. — C'est celle de mon père. Elle t'amènera aux Champs-Elysées. Ni vu ni connu. On se ressemble ; tu prends ma place, je prends la tienne. Et puis, ça me plaît d'être pauvre jusqu'à demain. ~ ~ Oui, mais gare aux coups ! — Ça me plaît d'être battu. Allons monte. Une fois chez nous, tu feras un bon dîner et tu tâcheras de passer une bonne nuit. Va donc ! Étourdi par ce qui lui arrivait, Piccolino se laissa pousser dans la voiture. — Veine ! dit-il en s'asseyant, une bouillotte ! Et l'équipage s'enfuit. * * * L'ÉVÉNEMENT ILLUSTRÉ - N° 44

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