Lecture critique des journaux historiques

Lecture critique des journaux historiques

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Redactie 03 september 2015 736

Les journaux constituent une source accessible pour étudier les différents aspects de la Première Guerre mondiale. Mais à l’instar des autres sources historiques, les informations issues des journaux doivent être appréhendées de manière critique. Ceci vaut tant pour les textes que pour les photos et les illustrations.
 
La lecture critique des sources est baptisée « critique historique » par les historiens. Il s’agit d’un ensemble de techniques pour déterminer comment une source a été élaborée et comprendre comment son créateur a interprété la réalité. 
 
La critique historique sert un double objectif. D’une part, elle entend distinguer aussi bien que possible les faits avérés de leur interprétation. D’autre part, elle sert à comprendre au mieux la complexité d’un événement. Chaque histoire a en effet toujours deux ou plusieurs facettes.
 
Les faits mentionnés peuvent avoir été déformés intentionnellement. De plus, le journaliste qui entend se montrer objectif ne l’est jamais tout à fait. Il interprétera toujours les faits sur la base de ses connaissances préalables, de son milieu politique, religieux et social, de sa nationalité et sous l’influence de l’époque dans laquelle il vit. 
 
Le bon contexte
 
La critique historique peut parfois être relativement technique, par exemple lors de la critique de textes bibliques ou de documents médiévaux. Mais le lecteur d’un article de journal du siècle passé doit surtout faire preuve de suffisamment de bon sens pour replacer les informations dans leur contexte. Quand ? Où ? Qui ? Quoi ? sont quatre brèves questions qui peuvent vous aider à comprendre les nuances.
 
Quand l’article a-t-il été rédigé ? Dans les premiers jours de la guerre ? Gardez à l’esprit que le patriotisme était à son paroxysme et que la presse libre exultait presque à l’aveugle. La bataille de Halen – une petite victoire pour les Belges – fut ainsi présentée par la presse libre comme un triomphe sur les Allemands.
 
l’article fut-il publié et quel régime de censure s’appliquait au journal ? Paraissait-il en Belgique occupée ou inoccupée ? Le journal était-il uniquement censuré ou participait-il activement à la machine de propagande ? Imaginez que vous lisez un journal de la Flandre occupée au caractère éminemment flamingant. Il y a de fortes chances qu’il soit soutenu par l’occupant. Celui-ci avait en effet tout intérêt à briser le patriotisme chez les Belges. Il est également intéressant de vérifier quelles informations étaient totalement occultées en raison de la censure. 
 
Qui écrit sur qui ? Cette question renvoie au contexte idéologique et social du journal, mais également aux personnes et aux groupes de population qui entrent en compte dans l’article. Gardez à l’esprit que la presse de la ville était souvent peu nuancée à propos des agriculteurs. N’oubliez pas que les journaux belges formaient une presse d’opinion tranchée. Même en Belgique occupée, les journaux socialistes et catholiques censurés continuaient à batailler. Pas par le grand débat politique, mais par exemple en critiquant le fonctionnement des comités d’alimentation. 
 
Quoi ? renvoie au contenu des nouvelles. Méfiez-vous des informations militaires. Les informations factuelles de telles nouvelles sont rarement fiables, mais nous révèlent les rouages de la propagande. Elles montrent en outre toute la difficulté pour la population de se faire une idée précise du combat. Certains sujets entrent à peine en ligne de compte, car le cadre de référence du journaliste les juge peu dignes d’intérêt. La condition des femmes est ainsi souvent reléguée au second plan dans la presse du pays occupé. 
 
Photographie et caricatures
 
La Première Guerre mondiale était le premier conflit majeur dans lequel le jeune médium de la photographie fut abondamment utilisé. Il s’agissait d’un instrument puissant pour documenter la réalité, mais également pour la déformer. De nombreuses photos emblématiques de la Première Guerre mondiale furent mises en scène et déjà largement truquées dans la chambre noire. La plus grande vigilance est donc également de mise lors de l’interprétation des photos. 
 
C’est encore plus le cas pour les caricatures. Comme leur nom l’indique, celles-ci reflètent la réalité de manière caricaturale. Avant la guerre, elles portaient le plus souvent un regard critique sur la société et la politique. Pendant la guerre, elles participèrent à la guerre de la propagande. On ne peut naturellement pas s’en servir pour en déduire des faits. Elles reflètent toutefois la construction des stéréotypes et surtout la diabolisation de l’ennemi.