5 JUILLET 1914. TRENTE-ET-UNIEME ANNÉE. — N» 27. LE MOUVEMENT GÉOGRAPHIQUE ABONNEMENTS Belgique .... 12 francs par an. Uaion postale . . 15 — — On s'abonne au siège du journal et dans tous les bureaux de poste. JOURNAL PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE A.-J. WAUTERS, HCKÉHIRI GÉNÉRAL DE LA COMPAGNIE DD COAGO POUR LK COMMERCE ET L'INDUSTRIE. BUREAUX ADMINISTRATION ET REDACTION 13, rue Bréderode, à Bruxelles. Adresse télégraphique : « Congo •. Téléphone n° 564. SOMMAIRE : La dépopulation de la France. — Les caries de l'Afrique centrale des XVIe et XVIIe siècles. — Le régime des entrepôts au Congo. — Nouvelles et informations. — Chronique géographique. LA DÉPOPULATION DE LA FRANCE ■vJ^epuis nombre d'années, la natalité diminue en Europe, particulièrement dans les pays qui ont atteint le plus grand développement matériel et intellectuel. Seuls, les Slaves semblent ne pas subir ce fléchissement. C'est en France et, immédiatement après, en Belgique, que le mal présente, actuellement, son maximum d'intensité. Il se manifeste néanmoins, mais à des degrés divers, chez les Anglo-Saxons, les Germains et les Latins, autres que les Français et les Belges. Le phénomène est grave et ses conséquences, tant prochaines que lointaines, sont incalculables. Nos enfants assisteront, probablement, à un déplacement vers l'est de la prospérité et de la puissance. Les conceptions politiques, religieuses, philosophiques et artistiques des nations occidentales, s'effaceront devant les conceptions peut-être inférieures de peuples nouveaux, plus nombreux, plus riches et plus forts. L'aspect du monde civilisé sera transformé aussi complètement qu'il le fut jadis par les grandes conquêtes des Chaldéens, des Perses, des Grecs, des Bomains et des Germains. La natalité française était, au commencement du dix-neuvième siècle, de 33 pour mille habitants. Elle tombait, en 1900, à 22 pour mille. Depuis lors, la décroissance s'est accentuée et le taux est descendu à 19 pour mille. Les naissances de 1913 (745,000) dépassent à peine les décès (703,000). La population de la France est donc étale. En Belgique, le taux de la natalité, qui était, en 1900, de 29 pour mille, est tombé, en 1911, à 22.94 pour mille. Les statistiques accuseront, sans nul doute, en 1912 et 1913, •une nouvelle diminution. Or, tandis que la population française demeure station-naire et que la population belge tend à le devenir, les ■nations voisines, dont la natalité décroît moins rapidement, continuent de grandir : chaque année, la Grande-Bretagne gagne encore 40,000 habitants, l'Autriche-Hongrie près de 600,000, l'Allemagne 800,000. Et cependant, ces pays eux-mêmes ont déjà une natalité ralentie et s'accroissent beaucoup moins vite que les peuples slaves, notamment les Busses, les Bulgares et surtout les Serbes qui, un jour prochain, deviendront assez nombreux pour mettre fin aux persécutions qu'ils endurent aujourd'hui. Au point de vue de l'abaissement de la natalité, c'est donc la France qui tient la tête. Par le fait qu'elle ne progresse plus, tandis que ses voisines continuent de se développer, elle subit chaque année un recul relatif, perd son rang, se -voit réduite au rôle de puissance de second ordre. Et l'on ne peut voir sans angoisse un des plus beaux pays du monde, privilégié à tous égards, habité par une race remarquable sous le triple rapport de l'intelligence, du travail et de la vaillance, décliner progressivement et risquer d'être un jour submergé par quelque vague irrésistible. Sans doute, dira-t-on, d'autres foyers de civilisation brilleront d'un éclat de plus en plus vif, le jour où la France ne jettera plus que de pâles lueurs. Il peut en être ainsi dans le domaine scientifique, car la science ignore les frontières. Mais la France incarne, en quelque sorte, certains principes qu'elle a fait rayonner dans le monde. Elle est, avec l'Angleterre, le rempart des libertés individuelles, Sa décadence politique serait vraisemblablement accompagnée d'un mouvement de réaction, dont souffrirait toute l'Europe continentale. On a beaucoup écrit sur les causes de l'abaissement de la natalité française. Elles sont multiples et quelques-unes ne sont pas particulières à la France, puisque les pays voisins enregistrent, eux aussi, une décroissance continue, quoique moins intense et moins dangereuse dans ses effets actuels. Parmi ces causes générales, il faut citer en premier lieu l'incessant développement de la classe bourgeoise, infiniment moins prolifique que les classes ouvrière et paysanne. Les familles bourgeoises appauvrissent doublement les nations, d'abord parce qu'elles comptent généralement peu d'enfants, et, ensuite, parce qu'elles ont presque toujours à leur service des domestiques célibataires. A côté de cette cause d'ordre économique, il en est une autre qui joue vraisemblablement un rôle d'une certaine importance. La population a une tendance à déserter les campagnes et à se concentrer dans les villes. Or, les mauvaises mœurs d'une partie de la population urbaine détournent d'une vie régulière un nombre excessif de jeunes filles. Sous ce rapport, la législation française témoigne de plus d'indulgence que celle de bien des pays voisins et ce, au plus grand préjudice de la natalité. Mais il est des facteurs qui, sans agir aussi directement sur la natalité, concourent à diminuer la vitalité de la race et à augmenter la morbidité et la mortalité et, en fin de compte, la dépopulation. Ce sont, notamment, l'insuffisance de l'hygiène et l'alcoolisme. Il est incontestable que l'hygiène publique et privée laisse fort à désirer en France. Nombre de grandes villes n'ont encore ni égouts, ni distributions d'eau potable. Les habitations occupées par la bourgeoisie sont généralement exiguës et les taudis abondent, tant dans les villes que dans les campagnes. D'autre part, grâce au privilège des bouilleurs décru et au bas prix des boissons distillées (1), l'alcoolisme fait des ravages dans toute la société, atteint les classes dirigeantes, est la cause génératrice, d'une part, d'une mortalité excessive, d'autre part, de la moins value d'un très grand nombre d'intelligences, peut-être même de ces négligences et de ces imprudences qui se manifestent périodiquement par des sinistres ou des catastrophes. Tel est — un peu poussé au noir, — le tableau que nous inspirent les statistiques qui viennent d'être publiées et que l'on trouve analysées dans l'article suivant, que nous empruntons au Temps. G. T. * * * Le nombre des naissances a encore diminué l'an dernier : 745,339 enfants vivants au lieu de 750,651 en 1912. Jamais chiffre aussi bas n'avait été enregistré, à l'exception de l'année 1911 qui fut particulièrement déplorable. Pour se rendre compte du fléchissement lamentable et (1) La France consomme 4 litres d'alcool par habitant et par an, contre 1 litre en Angleterre et en Allemagne. continu de la natalité française, il suffit de rappeler que la moyenne annuelle des naissances vivantes était de 945,000 pendant la période de 1872 à 1875; que, depuis 1907, le nombre annuel des naissances est tombé au-dessous de 800,000 et depuis 1911 au-dessous de 750,000. C'est dire que, en moins de quarante ans, la natalité française a diminué de 200,000 individus par an. La proportion des enfants déclarés vivants pour 10,000 habitants a été de 188 en 1913 au lieu de 190 en 1912, de 187 en 1911, de 196 en 1910, de 205 en 1906. Le fléchissement s'accentue donc chaque année. Il est vrai que dans tous les grands pays d'Europe la natalité diminue, mais dans des proportions infiniment moindres qu'en France; et au surplus, les excédents annuels des naissances sur les décès sont proportionnellement de six à dix fois plus considérables que dans notre pays. Ainsi pour l'année 1912, l'excédent des naissances sur les décès pour 10,000 habitants fut en France de 15 seulement; or, la même année, il fut de 158 aux Pays-Bas, 140 en Italie, 130 en Hongrie, 127 dans l'Empire allemand, 107 en Autriche, 105 en Angleterre. Le tableau suivant fait connaître le nombre des naissances, décès, mariages, divorces, enregistrés l'an dernier î i i / Population Naissances DÉPARTEMENTS. (Recensement d'enfants Décès de 1911). vivants. Ain 342,482 6,030 6,182 Aisne 530,226 10,546 £,853 Allier 406,291 5,828 6,081 Alpes (Basses-) . . 107,231 1,852 2,019 Alpes (Hautes-) . . 105,083 2,130 2,109 Alpes-Maritimes . . 356,338 7,268 6,391 Ardèche 331,801 6,579 5,836 Ardennes 318,896 6,172 5,733 Ariège 198,725 2,958 3,515 Aube 240,755 4,042 4,637 Aude 300,537 4,922 5,069 Aveyron 369,448 7,391 6,689 Belfort (terr. de) . . 101,386 2,124 1,632 Bouches-du-Rhône . 805,532 14,993 15,813 Calvados 396,318 8,126 9,133 Cantal 223,361 3,990 3,602 Charente 347,061 5,792 5,687 Charente-Inférieure 450,871 7,421 7,363 Cher 337,810 5,263 5,226 Corrèze 309,646 5,416 4,696 Corse 288,820 5,951 4,600 Côte-d'Or 350,044 5,346 5,916 Côtes-du-Nord . . . 605,523 14,295 12,314 Creuse 266,188 3,902 3,755 Dordogne .... 437,432 7,531 7,535 Doubs 299,935 6,494 5,558 Drome 290,894 4,756 5,248 Eure 323,763 6,051 6,736 Eure-et-Loir .... 272,255 5,177 5,127 Finistère 809,771 20,957 14,201 Gard 413,458 7,115 7,570 Garonne (Haute-) . 432,126 6,297 8,523 Gers 221,994 2,861 4,103 Gironde 829,095 12,263. 14,027 - 343 - 344 — - 345 -

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