NUMÉRO 66 DEUXIÈME ANNÉE MARS 1916 NUMERO GRATUIT PRIX DU NUMÉRO — élastique, de zéro à l'infini (prière aux revendeurs de ne pas dépasser cette limite) LA LIBRE BELGIQUE J'ai foi dans nos destinées ; un Pays qui se défend s'impose au respect de tous : ce pays ne périt pas ! Dieu sera avec nous dans cette cause juste. ALBERT, Roi des Belgbs (4 août 1914). Acceptons provisoirement les sacrifices qui nous sont imposés et attendons patiemment 1 heure de la réparation. A. MAX. FONDÉE LE ier FÉVRIER igiS Envers les personnes qui dominent par la force militaire notre pay», ayons les égards que commande l'intérêt général. Respectons les règlements qu'elles nous imposent aussi longtemps qu'ils ne portent atteinte ni à la liberté de nos consciences chrétiennes ni à notre Dignité Patriotique. M*1 MERCIER. BULLETIN DE PROPAGANDE PATRIOTIQUE — RÉGULIÈREMENT IRRÉGULIER ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE : KOMMANDANTUR-BRUXELLES BUREAUX ET ADMINISTRATION ne pouvant être un emplacement de tout repos, ils sont installés dans une cave automobile ANNONCES : Les affaires étant nulle» sous la domination allemande, nous avoni supprimé la page d'annonces et conseillon» à nos clients de réserver leur argent pour des temps meilleurs. GARE AUX ESPIONS Nous croyons de notre devoir de mettre en garde contre les manoeuvres des espions allemands tous ceux qui travaillent à la diffusion d'imprimés, de brochures ou de livres patriotiques. Nous ne pourrions trop leur recommander la prudence. Que les diffi ultés ne nous arrêtent pas, mais n'accordons notre confiance qu'aux gens que nous connaissons personnellement et dont la discrétion est éprouvée. Ne nous fions pas aux lettres de recommandation venant soi-disant de prêtres ou de couvent de province. En un mot, ne soyons pas dupes d'espions sans scrupule pour qui tous les stratagèmes sont bons, même les plus odieux. Notre devise doit être : Toujours en avant, avec prudence. Certificat de bonne conduite La justice allemande vient de recevoir un éloge bien senti. Il est vrai qu'elle se l'e t décerné elle-même et qu-î les mérites dont elle tire naïvement avantage sont empruntés pour la meilleure part au portrait de ses justiciables. Les rédacteurs des bulletins officie s ont rarement déployé une maladresse plus savoureuse. Regardons la Thémis germanique .levant son miroir. Sous le titre : Les Tribunaux de campagne, l'avis paru dans les journaux du 10 février dernier, assomme de trois ou quatre gros pavés les calomniateurs qui osent parler du « régime de terreur sous lequel on vivrait en Belgique » ; puis elle poursuit en ces termes : Comme il reste toutefois des gens assez crédules pour prêter l'oreille à de semblables fantaisies, nous publions ci-dessous une statistique des arrêts prononcés par les tribunaux de campagne depuis leur installation dans le territoire du Gouvernement général ; cette statistique est établie d'après des damées officielles inattaquables, et les chiffres au elle contient sont plus éloquents qu'un plaidoyer. Période depuis l'installation de tribunaux de campagne jusqu'au 30 auril 1910. — Nombre de condamnations : 4,SIS; nombre d'acquittements : a) par acquittement, 167 ; b) par l'arrêt des poursuites, 1.:uo. Total : 1,477. Période du v mai 1915 au 31 juillet I9tii. — Nombre de condamna-lions : 894; nombre d'acquittements : a) par acquittement, 141; b) par l'arrêt des poursuites, S67. Total : 708. Période du 1er août 19IS au H1 octobre 1913. — Nombre de condamnations : t, 206 ; nombre d'acquittements : a.) par acquittement, 184 ; b) par l'arrêt des poursuites, 973. Total : 1,1 SI. Au total, depuis l'installation des tribunaux de campagne. — Nombre de condamnations : 3.31 S ; nombre d'acquittements : a) par acquittement, 432; b) par l'arrêt des poursuites, 2,SS0. Total : 3,342. D'après la pratique ordinaire de no; maîtres, on pouvait flairer que cette apologie était une excuse qu'ils se donnaient à l'avance pour quelque mauvais coup. Effectivement, un jour ou deux plus tard, paraissait une liste de 103 nouvelles condamnations. Attendons nous à en voir d autres. La statistique ci-dessus sera curieuse à reviser dans quelques temps. Telle que la voilà, elle est déjà singulièrement édifiante, dans la toilette pastorale qu'elle a subie. Remarquons d'abord qu'elle jette un voile discret sur les horreurs du début de l'invasion. Elle laisse dans l'ombre les massacres et les déportaiions en masse, qui ont sévi en août et septembre 1914 et dont l'impression ne cesse de peser, comme une menace, sur les populations sans défense. Elle ne dit rien non plus de la zone d'opérations et de la région des étapes, où, dans la moindre Kommandantur, de> Salomons au petit pied et en grosses bottes continuent d'appliquer arbitrairement un code pénal de leur fabrication. Manquent également au tableau les innombrables condamnations prononcées sans aucune forme de procès et dont les victimes ont été avisées par une simple signification qui ne portait pas même une mention du délit allégué ou prétexté. Malgré toutes ces omissions, le statisticien du Département de la Justice (allemande !) est arrivé à un total de 3,315 condamnations pour environ ti eize mois. Il a l'air de trouver que ce n'est rien ! Comb en de bons Allemands ce professionnel est il habitué à compter sur ses listes, bon an mal an? Aimable peuple et doux pa>s où la police se tresse des couronnes quand elle n'a pas arrêté absolument tout le monde ! Pour la b auté du coup d'œil, sans doute, on a pris soin de décomposer les chiffres par périodes de trois mois. Mais sur la nature des peines appliqué s, la statis;ique est moins explicite. De ces 3,315 condamnations, combien sont des con tamnations aux travaux forces pour une longue durée ou à perpétuité ? Combien de condamnations à mort suivies d'exécution? On s'est gardé de nous le répéter. Si ce chiffre effrayant était publié, il suffirait à détruir a le ton idyllique du tableau. Ce qu'on ne dit pas davantage, c'est le code de procédure ren uvelé des temps barbares que la justice allemande n'a pas rougi d'employer contre ses victimes. Quand la vérité se fera jour sur le régime de la Belgique occupée, l'une des hontes les plus complètement inexcusables de nos oppresseurs, sera ces comédies de prétoire où des personnes dignes de tout respect se sont vues conduites à 1 audience comme à un guet apens, sachant à peine de quoi elles étaieu' accusées, et sans même avoir pu s'entretenir avec leur défenseur. L'histoire dira à quell s viles et odieuses manœuvres la police de la Kultur est descendue n m pas seulement contre ses accusés, mais contre des suspects, arrêtés sans l'ombre d'une preuve, ou contre des tiers dont elle comptai* tirer un témoignage ou une dénonciation. Elle a soumis de jeunes enfants aux angoi-st-s d'un interminable interrogatoire à buis clos, pour leur arracher un aveu contre leur père incarcéré. Une mère de famille a été arrêtée au chevet de son en'ant malade, pour forcer son mari à venir se constituer prisonnier. On n-- compte pas les prévenus de tout âge et de toute condition qui ont été interroges avec le revolver sur la poitrine ou dans l'oreille, systématiquement énervés par la solitude et la faim, et brutalisés par des moyens d'intimidation importés des casernes du Brandebourg ou de la Poméranie. Malgré tout cependant, les tribunaux allemands ont souvent dû lâcher leurs victimes. Le rédacteur de l'avis en tire vanité. Contre 3.315 condamnations, il y a eu, dit-il, pour la même période, 3,34i acquittements. Il continue : En présence de ces chiffres, d'où il résulte que le nombre des acquittements dépasse celui des condamnations, les profanes eux-mêmes devront convenir que les tribunaux allemands rendent leurs arrêts sans aucun parti pris, en s'inspirant uniquement du droit et de Injustice. Il n'est pas un seul jurisconsulte qui ne convienne que cette proportion pourrait passer pour très favorable, même en temps de paix, et qu'elle témoigne plutôt d'une juridiction relativement large que d'une application trop sévère, voire arbitraire, de la loi. J'ignore ce qu'en Teutonie on appelle un profane ; mais si un profane est un homme qui n'a pas l'esprit déformé par la logique ail mande, 11 est deux fois inexcusable d'accepter ce raisonnement biscornu. Quatre cent nonante-deux acquittements et 2,850 ordonnances de non-lieu, cela fait un total de 3,342 poursuites engagées à la légère. Le juste, on le sait, tombe sept fois, entre le matin et le soir, mais il a Prière de faire circuler ce bulletin

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