SAINT-MICHEL BULLETIN DE GUERRE des Anciens des deux Collèges Saint-Michel de Bruxelles Adresser les Communications ^ Pour l'Ancien Collège, à Jos. GUFFENS, 104, 11e. ! Pour le Nouveau Collège, à G. HEURSEL, 42> 21, 1" Groupe, E. M LES VRAIS BERGERS (Hommage de reconnaissance au 1{. P. Garin) Lorsque notre pensée se reporte vers les années paisibles et insouciantes vécues jadis au Collège, parmi la foule confuse de nos souvenirs se détache parfois l'attirante ligure de quelqu'un de nos maîtres, et le rapprochement s'établit entre l'image laissée en nous par sa physionomie et l'idéal que nous nous faisons de l'éducateur.L'éducateur, est-ce celui qui se contente de déposer dans des cerveaux d'enfants des doses plus ou moins exactement pesées, plus ou moins heureusement combinées de denrées intellectuelles? Est-ce celui qui, chargé d'une classe,s'applique à éliminer les cancres pour réserver aux aigles sa sollicitude savantè ? N'est-ce pas, au contraire, celui qui, dans chacune des intelligences, dans chacun des caractères, dans chacun îles cœurs qui lui sont conliés, s'atttache à découvrir et à cultiver le moindre germe d'énergie, de discernement, de générosité ? N'est-cc pas celui qui éveille en chacun la vaillance ? N'est-ce pas celui qui sait persuader à tous qu'il y a,dans le monde, un but accessible à toute valeur humaine et que même le boulet qu'une classe traîne à sa remorque, a sa place marquée dans la vie? iN'est-ce pas celui qui libère de son angoisse déprimante le pauvre déshérité, revêche à l'étude, lamentablement bousculé, puni, raillé, qui passe ses années de collège dans la perpétuelle hantise de voir fuir de son cerveau le peu de notions qu'il y a laborieusement recueillies et qui, découragé, doutant de lui-même et de tout, est d'avance un vaincu ? N'est-ce pas celui qui, lentement, patiemment, enseigne le sérieux de la vie aux enfants légers et jeunes, aux enfants à qui personne, peut-être, n'a encore parlé le langage qui va à la raison en passant par le cœur, pauvres natures, souvent droites et franches, parfois belles et ardentes, qu'un maître trop dur, trop éloigné de leur simplicité, rebute et détourne à jamais du grand rôle que l'avenir leur réservait ? Que ces âmes rencontrent, un beau jour, un maître clairvoyant, un maître qui se souvienne d'avoir été jeune aussi, un maître qui comprenne qu'une âme fougueuse tient malaisément un jeune corps de seize ans tranquille et replié pendant des heures, un maître qui sache découvrir sous cet extérieur de légèreté une sève débordante de générosité et d'enthousiasme, un maître qui s'ingénie à prendre ces enfants par le cœur, à leur faire saisir que la vie n'est pas un continuel amusement, mais une chose grave et que tout homme, de quelque façon qu'il soit doué, a toujours à remplir une mission proportionnée à ses forces, alors l'éducation se fait et, dans l'enfant, peu à peu, grandit l'homme. Ces vrais bergers existent et nous en avons connus. Ils nous ont patiemment préparés à vivre. Ils nous ont tirés de notre folle insouciance. Parmi eux, il en est un auquel je tiens à rendre ici l'hommage de gratitude d'une âme distraite et volage qu'il s'est longuement essayé à mettre dans la notion vraie du sérieux et du sens de la vie. Rares sont les anciens du vieux Saint-Michel qui n'ont pas connu le Père Garin. Beaucoup se souviennent avec douceur de leur dernière année de Collège et de la façon originale dont travaillait pour eux et sur eux cet habile façonneur d'âmes. L'empire qu'il prenait sur nous tous, la confiance qu'il nous inspirait, établissaient entre le maître et nos esprits légers une communication constante. 11 parvenait a nous fixer, à nous retenir prisonnier de sa parole et de sa pensée. Mais ce n'était là qu'une partie de son action. Au-delà des intelligences à former, il voyait les âmes à façonner, les énergies à tendre, les forces llottantes à diriger vers un but sublime. A cet âge où le jeune homme, séduit souvent par les avantages extérieurs et immédiats des situations qui se présentent à lui, s'interroge, hésite et risque ou bien de ne partir jamais ou bien de faire fausse route, il était le guide clairvoyant, l'ami expérimenté qui. jugeant impartialement nos forces et les nécessités de la vie, nous épargnait Publication autorisée par l'Autorité Militaire N° 12. — AOUT 1917.

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