-£6ème année No. 356. L'INDÉPENDANCE ANGLETERRE: ONE PENNY. BELGE. CONTINENT : 15 CENTIMES Administration et Rédaction, Tudor House, Tudor Street, E.C. TELEPHONE: CITY 3960. LONDRES, MERCREDI 13 JANVIER 1915. registered at the g.p.c as a newspaper. ^Conservation t.vr le Progrès. SOMMAIRE. Le Courage Civique, par Jules Coucke 1 Biluet Parisien, par Jean Bernard ...... 1 Un Procès pour Offense a Guillaume II, par Camille Roussel... 1 La Guerre en Extreme-Orient, par Henry Segaert 2 Lettre de Hollande, par le docteur Terwagne 2 Mentalite de Volontaire, par A. de V. - 2 Echos - - 2 Les Aventures de Deux Jeunes Filles — 3 Notes d'un Chemineau, par 'T Wit Beerken 3 Les Ingénieurs a Londres 4 Nécrologie, Etc 4 Nouvelles de la Guerre : La Roumanie entera en campagne au printemps — Nouvelle offensive turque dans le Caucase — Préparatifs turcs en Syrie— Télégramme du . roi Albert Albert au JPape 4, 5 LE COURAGE CIVIQUE. A toutes les époques troublées, on voit apparaître de grands citoyens qui illustrent, en frontispices, le Livre d'Or de l'Histoire. Ils incarnent quelques-unes des plus belles vertus de l'humanité, et sont comme les images vivantes de ces grandes- entités morales, l'Honneur, le Devoir, la Conscience... Tout a été dit sur " le premier citoyen belge," le Roi Albert, et la Reine _ Elisabeth, qui, là-bas, en Westflandre, dans un petit coir inviolé de dunes et de prairies, multiplient jusque dans les tranchées les exemples d'abnégation et de vaillance. Tressons aussi dès à présent le laurier symbolique pour en couronner deux hommes i d'élite personnifiant avec éclat le courage civique : le cardinal Mercier, archevêque de Malines, et le bourgmestre de Bruxelles, Adolphe Max. Je n'ai pas l'honneur de connaître le premier, dont l'idéal philosophique el social est très éloigné du mien. Je sais seulement qu'il est homme de science e «xégète érudit, que chacun de ses geste: fut empreint d'une haute spiritualité, e que, revêtu de la dignité de prince d( l'Eglise, il passe aux yeux de tous poui un grand prélat. Il a, depuis la guerre ffxercé fraternellement le plus noble de: apostolats et le plus doux des sacerdoces : celui de la pitié et de la charit( chrétienne, en vrai pasteur des âmes selon l'Evangile. La Lettre Pastorale qu'il vient de pu blier a la pureté et l'éclat des émau> translucides d'un vitrail gothique. Aprè: un tableau émouvant des deuils et de: ruinés de la patrie, le cardinal trace au? fidèles de son diocèse leur devoir : Vou: ne devez, dit-il, dans le secret de vo: cœurs, ni respect, ni affection, ni obéis sance à la puissance qui a envahi notr< territoire. Celle-ci n'est pas investie d< l'autorité légale qui appartient exclusivement à votre Roi, à votre gouvernement et aux représentants de la nation. Cependant, les habitants des villes occupée: doivent s'abstenir de toute acte hostile et se soumettre loyalement aux conditions des traités conclus lors de leur: reddition. La Lettre se termine par une exhortation ^u calme et des paroles d'espoii dans la délivrance finale de la Belgique. Ce langage courageux, d'une noble inspiration et d'une mâle dignité, est pénétré tout à la fois de sentiments de patriotisme, de commisération, de réconfort, et de piété. Véritable acte de foi. d'espérance, et de charité, il est d'unt correction irréprochable au point de vue des lois de la guerre et du Droit de: Gens, dont il fait une application très juste des règles à observer envers l'envahisseur, simple occupant du pays, ï titre purement précaire. Néanmoins, les Allemands, fidèles £ leur manière forte et à leur politique maladroite, n'ont pas craint d'arrêter le primat de Belgique et de le retenir prisonnier dans son palais archiépiscopal. Faut-il dire que ce nouvel attentat grandit singulièrement la haute personnalité qui en est l'objet? Le civisme du bourgmestre de Bru xelles, Adolphe Max, mente au meme titre l'universel hommage. On me pardonnera d'en parler avec plus d'abandon, car il m'a été donné pendant huit ans de collaborer avec lui aux travaux quotidiens de la vie judiciaire, jusqu'au jour où il quitta le barreau pour ceindre l'écharpe de premier magistrat de la capitale. Tous ceux qui l'ont approché connaissent sa claire intelligence, ses facultés de méthode et d'organisation dans le travail, son esprit délié et cultivé, ses qualités de mesure, d'à propos et de finesse, sa fermeté courtoise; sous des dehors un peu distants, son affabilité foncière et son accueil souriant.L'occupation allemande à Bruxelles lui a-permis de donner sa pleine mesure, en même temps qu'elle a révélé un caractère — ce qui est rare — à la hauteur d'un talent. Il a usé la menace et l'arrogance allemande par une résistance opiniâtre aux prétentions abusives de l'ennemi, par un fier acharnement à la défense des intérêts de la cité, par une énergie calme et un sang-froid déconcertant, qui appellent l'acclamation et la reconnaissance unanimes. On m'a cité un trait d'une jolie crâne-rie, qui le peint à merveille, mais dont je n'ai pu vérifier l'authenticité. C'était 1 aux premiers jours de l'occupatiop de > Bruxelles dont il s'agissait de discuter et • de régler les conditions. Un officier se . présente dans son cabinet à l'Hôtel de Ville, porteur des instructions du général commandant les troupes. Soit par un geste machinal, soit dans un but d'intimidation, l'Allemand saisit son revolver et le met devant lui sur le bureau-ministre de M. Max. Ce que voyant, celui-ci tire, avec flegme, de sa poche... son porte-plume réservoir, et le dépose ostensiblement à côté du revolver. Et sur ce préambule la discussion du traité commença.Tout l'homme est dans ce trait. On sait comment le maréchal von der Goltz s'en débarrassa. Sous couleur de détention honorable, avec les honneurs réservés à un général, le bourgmestre de Bruxelles eët, paraît-il, traité comme un prisonnier de droit commun et réclame vainement des juges. S'il en est ainsi, le Gouvernement belge s'honorerait en faisant appel aux légations des pays neutres pour mettre un terme à ce Scandale, auquel la raison se refuse à croire. Le cardinal Mercier et le bourgmestre Max sont deux grandes figures que ces temps tragiques viennent de modeler en ' plein relief. Ils ont mis au service de la • patrie les plus nobles facultés de leur ■ âme et les multiples ressources de leur . énergie morale, forçant ainsi l'admiration et le respect de tous les Belges, sans distinction d'opinion. Nombreux d'ailleurs sont nos manda-1 taires publics qui, dans une sphère plus ; modeste, ont fait preuve de dévouement '< réfléchi et de courage clairvoyant. Tels ■ sont, pour n'en citer que deux, le comte Visart de Bocarmé, l'octogénaire bourgmestre catholique de Bruges, et le socialiste Dejardin, ff. de bourgmestre de Beyne-Heusay, cet humble ouvrier mineur dont "l'Indépendance" a récemment relaté la bravoure simple et fruste. Confondez-les tous dans un même sentiment de gratitude émue, en attendant • que la Belgique, redevenue libre, puisse : honorer comme il convient leurs hautes vertus civiques. JULES COUCKE. BILLET PARISIEN. Les "pains de fantaisie."—Les petits evenements du jour.—Et les crois' sants ?—Les autres incidents — Les petites " Joffrettes." ■— Un hommage au Roi des Belges.—La question des prénoms.—Les prénoms sympathiques. 7 janvier 1915. Enfin nous avons eu des pains de fantaisie. Cela ne vous dit pas grand chose à distance, ici c'a été un événement. Depuis cinq mois les boulangers ne vendirent que des pains longs, très blancs et très cuits, ayant 120 cm. de long, pesant une livre, et au prix de vingt centimes. Un arrêté du préfet de la Seine interdisait de fabriquer et mettre en vente du pain d'une autre forme, d autre poids, et d'autre prix. Comme des réclamations s'étaient élevées, on avait répondu que la plupart des mitrons étanl au front (une dizaine de mille enviror pour la ville de Paris), beaucoup de vieux boulangers ne sauraient pas pétrir el faire cuire le pain dit de fantaisie oi viennois, beaucoup plus petit et plus ramassé et que ce serait créer un éta' d'infériorité au préjudice de ceux qu ne pourraient fournir cette dernière qualité et les livrer à une concurrence insoutenable. Ca, c'était le prétexte officiel. En réalité on avait craint que le: approvisionnements ne se fassent difficiles et on avait voulu habituer les Parisiens à des économies éloignées et oi permet aux boulangers de mettre en ven te des pains de cinquante centimètres très cuits et très dorés sans garantit de poids, au prix de*'cinquante centime^ le kilo, qui est le prix d'avant la guerre Seul, le petit pain mollet que les Parisiens ont l'habitude de grignoter le matin avec le café au lait et qu'on appelle "croissant" à cause de sa forme particulière, demeure interdite. On ne sait pa: Bien pourquoi. Il est particulièrement indiscret de demander les raisons de se: prescriptions à l'administration en temps ordinaire, aujourd'hui ce ser?it de h présomption. Le pain mollet est interdii parce que les hommes grave-, de la préfecture de la Seine l'ont décidé ainsi Cela doit nous suffire et cela nous suffi au surplus. D'ailleurs cela n'a pas d'importance.Ce n'est qu'un à-côté de la vie pari sienne, qui a bien d'autres préoccupa tions et s'arrête à peine au^; incidents d( la rue. Ici ce sont les nouvelles accou 1 chées qui, imitant l'exemple venu de L; 1 Rochelle, veulent qu'on donne le nom d( • "Joffrette" à leurs petites filles. En qua , rante-huit heures, c'est devenu un pré nom à la mode. Réglementairement comme ce nom ne figure pas au calen drier, les officiers de l'état-civil pour raient le refuser, mais ils n'y songen pas et ces "Joffrettes" se multiplien pour le moment. Les événements on toujours exercé une grande influence su • le choix des noms. Sans remonter a 1: Révolution, où on choisissait les Grac chus, les Thémistocle, les Anaxagores : la douzaine, on peut relever les millier: de Napoléon sous le Premier Empire e les Philippe sous la monarchie de Juillet Aujourd'hui les garçons sont appelé: "Albert" en très grand nombre, hom mage lointain au roi des Belges, qui ap paraît comme un modèle de vaillance, di droiture et d'honneur national. Pour fair pendant, nous avons les "Joffrettes" Avant la guerre, on avait beaucoup di Raymond et de Raymonde, par sympa thie pour M. Poincaré. i On comprend très bien d'ailleurs le choix de tous ces noms. Mais je ni : m'explique pas, par exemple, comment même sous la Révolution, on avait affu ■ blé de pauvres enfants de " Tubéreuse.' ■ Coccinelle au Schragonne. Cela figurai ■ bien dans le calendrier à côté de Balsa > mine et d'Amaranthe, de Réséda et di • Tournesol, mais ce n'était pas une rai ■ son. Nos grand'pères ont connu et on : aimé de charmantes Brocoli et de dé • licieuses Chélidoines. Ca devait faire di singuliers effets dans les déclarations d'à ■ mour; vous entendez d'ici une voix fraî : che de vingt ans, disant à une jeune filli rougissante en lui serrant la main : " M; chère Chélidoine, je vous jure de vou: aimer toute ma vie !" Après cela ce n'était pas plus ridiculi que les prénoms qui furent en vogue i y a cinquante ou soixante ans commi ceux de Pétronille, Cunégonde, ou Pul chérie.'Je connais de bonnes grand'ma mans en cheveux blancs qui s'appellen ainsi et qui ne sont nullement embarras sées, avec l'habitude on n'en rit plus En ce moment d'ailleurs on n'a pas cœu à rire ni à la raillerie. Nos pensées e nos soucis sont ailleurs ; rire, n'est-ci ■ pas un peu oublier la vie qui se rappelli à nous par tant de côtés tragiques? JEAN BERNARD. UN PROCES POUR OFFENSE A GUILLAUME II. Oui, on assiste à cet étrange spectacle. .. Il se produit, en Hollande, où un pu-bliciste, M. Van Rossem, est poursuivi pour avoir écrit un pamphlet injurieux pour l'empereur d'Allemagne : les juges n'ont pas encore prononcé leur verdict. La Hollande étant neutre actuellement, le procès s'explique par des raisons de Droit : la loi doit être observée, n'est-ce pas? et ce n'est pas nous qui contredirons au respect du Droit, lorsque celui-ci est l'émanation de la volonté publique, c'est-à-dire d'un pouvoir représentatif, et que ce droit est conforme à l'équité... Mais le procès fait actuellement à M. Van Rossem constitue une telle ironie dans la période actuelle — et constitue aussi une telle critique, en fait, du Droit mal compris, mal exprimé et mal appliqué, qu'il est nécessaire d'en souligner toute l'importance au point de vue moral.Ainsi donc voilà qu'un procès est fait, au nom du Droit—et cela pour défendre un homme, le Kaiser, lequel a donné au monde l'exemple du mépris le plus total pour le Droit... pour défendre un homme qui, dépourvu de tout scrupule de Droit, a violé la Belgique dans les conditions que l'on sait, méprisant la parole donnée, supprimant les traités et se riant des règles morales essentielles... N'y a-t-il pas, dans le procès en question, une ironie telle qu'elle eût mis en joie le bon Rabelais—et capable de faire tressauter toutes les bedaines allemandes de rire et de satisfaction, à la pensée de voir " venger leur Kaiser." Ah, oui, », cela pourrait faire partie des " Grandes et Inestimables Chroniques..." D'autant plus que cela possède un relent des vieux siècles—et que le siècle de Rabelais redevient un siècle d'actualité, si je peux dire... Mais là n'est pas la question... Le procès en question soulève des pensées plus élevées et plus graves... Ne constitue-t-il pas une image frappante, en effet, des inégalités flagrantes qui existent entre le Pouvoir, tel que le conçoivent les militaristes, réactionnaires, etc., etc., et le Pouvoir démocratique, tel qu'il est conçu dans l'intérêt des peuples et des individus? Ne constitue-t-il pas l'image frappante du Droit mis exclusivement au service du " plus fort," c'est-à-dire, l'image d'un Droit prostitué, devenant un "moyen" pour la Force de s'affirmer plus puissante—tandis que la même Force, actuellement représentée par le Kaiser, n'a que du mépris pour ce Droit. Les représentants de l'absolutisme s'en servent pour se défendre eux-mêmes personnellement—mais au mépris des intérêts des peuples. Oui, le procès, actuellement pendant en Hollande, est suggestif... Il montre, grâce aux actes du Kaiser, que le Droit n'est encore, dans les temps présents, qu'un mot — dont les peuples ne connaissent pas assez le sens... Que de travaux n'ont pas été accomplis pour leur faire percevoir ce sens ! Mais en vain... Souhaitons que la guerre actuelle, cette terrible secousse morale et physique, produise un salutaire effet et que les aveugles voient, et que les sourds entendent !... CAMILLE ROUSSEL. A NOS ALLIES BELGES ET FRANÇAIS Grande mise en vente aujourd'hui et jusque samedi. Nous recommandons tout spécialement à notfe clientèle la visite de nos magasins cette semaine ; elle y trouvera des occasions extraordinaires en articles de mode, de ménage, etc. Nous tenons un nombreux personnel d'interprètes à sa disposition. R. BURBIDGE, Administrateur-Délégué. ACTUELLEMENT: ! Occasion d'acheter économique» ment toutes choses. HARRODS Une Semaine de Grande Mise en Vente 3VLI. 79. 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