N° 2150. XLI° ANNÉE. N° 18 LE NUMÉRO FR. 0.50 DIMANCHE 8 FÉYRIER 1914, LA Fédération Artistique JOURNAL HEBDOMADAIRE FONDÉ EN 1873 ! BELGIQUE : 15 francs par an. ETRANGER : 18 francs par an. BRUXELLES etrange RUE DE LA VICTOIRE, 56. TÉLÉPHONE A 6162 ecteurs-Propriétaires : Edm.-L. DE TAEYE, VURGEY, VAN CLEEF Dépôts du journal : 7. galerie (lu Roi et maison Beethoven, 17, rue de la Régence et à Garni, à la Librairie Van Goethem.— Les abonnements prennent cours à toute date. — Il est interdit de reproduire nos articles sans en indiquer la provenance et l'auteur. — Les manuscrits ne sont pas rendus. — Les auteurs sont seuls responsables de leurs articles. SOMMAIRE. - Conférenciers: Paul Mélotte. — Au Studio: E. L. — La Musique à Bruxelles : Arthur Wilford. — Figures littéraires belges : Charles Conrardy. —- Le Salon de La Société des Arts de Mulhouse. — Lettre d'Ostende : Dom Pedro. — Lettre de La Haye : Nora van Tricht. — Bibliographie. — Notes et Paroles. — Les Concerts. — bulletin des 'Expositions et Concours. CONFÉRENCIERS Il paraît — c'est du moins M. Faguet qui l'affirme dans Comœdia — que le public n'aime plus les conférenciers improvisateurs mais donne, au contraire, toute sa sympathie à ceux qui lisent. La raison? Comme il fallait beaucoup de conférenciers pour répondre au goût du public, on a bien dû en pêcher parmi des lecteurs. Les auditeurs s'y sont faits et maintenant, ils n'en veulent plus d'autres. A ce compte, nous allons directement à la décadence de l'art oratoire (ce qui nous reste d'orateurs aux chambres suffira-t-il à sauver le genre ?) Un lecteur si diseit, si élégant soit-il, ne suppléera jamais au tribun uniquement attentit à stimuler par un geste approprié ou un éclat de voix opportun, tel auditeur fatigué. L'orateur qui ne peut se mouvoir librement face au public, pénétrer sa faculté de compréhension, plonger ses regards dans ceux qui le suivent, ne connaîtra jamais les grandes ovations sincères. Au lecteur sont réservés les succès de salon, ceux surtout que bâtissent les dames dans le même temps qu'elles battent en brèches les réputations. Il n'est pas vrai — j'en demande bien pardon à M. Faguet — que le public n'aime plus les improvisateurs. Il se peut qu'il n'en réclame pas parce qu'il sait qu'on serait fort en peine de lui eu procurer souvent. Alors voilà, il dissimule, le public, eu celà comme en autre chose : il sait si bien qu'on fait d'un mauvais littérateur un très supportable conférencier-lecteur tandis qu'il est bien difficile de subir sans bâiller ou s'aigrir, un médiocre orateur. Pour peu qu'un littérateur en renom prenne la peine de lire, dans quelques salles, l'article qu'il a préparé pour une grande revue, le bon public exulte, trépigne de joie. Son besoin de la conférence est largement satisfait. Il a obtenu le maximum de ce qu'il pouvait raisonnablement attendre. D'ailleurs c'est surtout « voir » qui lui importait : il sait maintenant comment est fait le nez de Paul Bourget, la bouche de Mistinguette et l'oreille de Pégoud. Quelle importance voulez-vous bien qu'il attache au sens des paroles prononcées par un monsieur qu'il ne connaît qu'à travers les revues et journaux illustrés. Le discours généralement débité sans beaucoup d'inflexions, avec des sourires tenant lieu d'enthousiasme et de tout petits gestes de bras eo place de fougue altière, ne dégèle pas les cœurs. On quitte la salle dans le même état qu'on y est entré. Tout au plus, la provision d'ironie est-elle augmentée ; et qu'elle irouie ! Mais vienne un jour l'orateur qu'on n'espérait plus, ou tout simplement celui qu'on espérait encore par delà les biumes des conférences lues.... (Il en reste de ces oiseaux rares). Quelle ovation ne lui fera-t-on pas ? Il suffit pour s'en convaincre d'assister à une causerie de Richepin ou de Destrée. La salle tout entière frémit, s'enthousiasme. Et ce sont, à la sortie, des pressions do mains vigoureuses, des regards chargés de joie qui s'échangent. Qui donc niera, en voyant ces gens heureux, tout à l'heure auditeurs haletants, la puissance de l'improvisation, vraie ou simulée peu importe, mais à coup sûr vivante ? Au vrai, si parfaite, si bien écrite que puisse être la conférence lue, elle ne counaîtra jamais de glorieux lendemain. Si l'on doit parfois se résoudre à l'adopter, c'est comme pis aller D'ailleurs certains « sujets »'se refusent absolument à être lus : ceux d'abord qui entraînent avec eux des démonstrations au tableau noir ou des expériences. Autant dire que les conférences scientifiques ne peuvent être faites que d'après des notes. Il y a aussi les sujets sociaux ou politiques qui perdraient toute portée s'ils n'étaient lancés par delà la rampe dans le même instant qu'ils paraissent se coordonner dans l'esprit de l'orateur. Pour ces derniers sujets, il s'agit souvent plus de convaincre le public par quelques aiguments plusieurs fois représentés sous des aspects différents, que de lui servir un système complet où les théorèmes s'entremêlent avec les corollaires pour la plus grande gloire d'une doctrine complexe et abstraite.

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