N° 2147. XLle ANNÉE. N° 15 LE NUMÉRO FR. 0.50 Dimanche 18 Janvier 191 LA FédérationArtistique BELGIQUE : 15 francs par an. JOURNAL HEBDOMADAIRE FONDÉ EN 1873 BRUXELLES RUE DE LA VICTOIRE, 56. TÉLÉPHONE A 6162 Directeurs-Propriétaires : Edm.-L. DE TAEYE, VURGEY, VAN CLE ETRANGER: 18 francs par an. Dépôts du journal : 7. galerie (lu Roi et maison Beethoven, 1/, rue de la Régence et^k Garni, à la Librairie Vau Goethem. — Les abonnements prennent cours à toute date. —- Il est interdit de reproduire nos articles saus en indiquer la provenance et l'auteur. — Les manuscrits ne sont pas rendus. — Les auteurs sont seuls responsables cVe leurs articles. SOMMAIRE. — De Libertate Artium ■. Emile Baes. — A côté de Par si f al : V. — La Musique à Bruxelles : Arthur Wilford. — Lettre de Paris : Jeanne Helft. — Lettre d'Ostende : Vidi. — Concours de littérature — Bibliographie: Ed L. de Taeye. — Bibliographie musicale. •— Chronique théâtrale : Isidore Yan ClebJ. — Notes et Paroles. Les Concerts. — Courrier théâtral. — Bulletin des Expositions et des Concours. DE LIBERTATE ARTIUM Dans un des enfers qui s'appelle la Terre, Dieu mit les ai ts comme porte du Paradis. Carmen Sylva. II Des critiquas nous diseut que les œuvres d'art sont formellement soumises aux lois de l'honnêteté. Que veulent-ils dire ? Y aurait-il entre la morale chrétienne — la iiôtre — et l'art, uue subite incompatibilité ? Ces nouvelles censures nous paraissent plutôt inspirées par une recrudescence d'ascétisme au sein du monde religieux. Mais cela n'intéresse pas directement les Beaux-Arts dont l'incoercible amour teedera toujours vers tout ce qui est beau, vivant et lumineux, et jamais vers l'ombre, le sacrifice et l'abnégation de la vie. Les lois de l'honnêteté ne furent pis transgressées au Salon de Gand plus qu'en d'autres circonstances. Pour d'aucuns les œuvres frappées d'interdiction étaient de celles qui se placent d'emblée au-dessus de la critique. C'était, pour la section décorative, les panneaux de Moutald, les Jeunes filles de Ciam-berlani, l'Adani et Evede Lévêque et les toiles de Del ville : L'homme Dieu et P> ométhée. Cette pudeur à l'égard de nudités aussi chastes et du nu en ♦ général, est vraiment « vieux jeu » ! Ce n'est plus — ou nous nous trompons fort—le bel animal humain que veut répudier la morale, mais les philosophies précieuses et les idées élevées que les artistes répandent dans toutes leurs œuvres avec tant d'admirables dons. Évidemment, toutes les toiles incriminées avaient une franche odeur de paganisme. De superbes filles, vêtues de leur seule chevelure, viveut dans les toiles de Ciamberlani, une sorte d'âge d'or au milieu de paysages, aux lignes simples et ondoyantes, semblables aux merveilleux contours des déesses qui s'y promènent. Que pense l'humble visiteuse devant ces horizons élyséens? Aura-t-elle, dans son modeste logis,la nostalgie de ces contrées accueillantes et faciles, créées pour la joie des yeux? C'est possible. Car ces rêveries « défendues » auront introduit en elle une sorte de purification, une élévation certaine de ses pensées vers quelque chose de moins prosaïque et de moins servile que la vie actuelle. « Rien de ce qui est beau, ne meurt sans avoir purifié quelque chose ». Faut-il vraiment pour la sauvegarde de la morale, entretenir par de pareilles censures la honte du nu et l'ignorance des philosophies millénaires ? De quelle manière apprenons-nous à connaître le nu? Enfant, on le ridiculise sans l'avoir jamais vu. Sur les murs, sur les palissades et partout où s'offre une surface propice au crayonnage, se dessine, par quelques traits conventionnels qui se transmettent d'âge eu âge, la caricature du sexe. La grossièreté et la vulgarité pornographique précède dans l'esprit de l'enfant la connaissance de la beauté humaine. Avant de rien comprendre des lois qui assurent l'existence de l'homme, le potache connaît déjà leur caricature, et plus tard, lorsqu'il se soumettra aux paroles de l'Évangile et que la nudité lui apparaîtra dans toute sa majestueuse beaute, il ne la verra plus que par ces dessins ridicules qui resteront à jamais incrustés dans son cerveau... Cela est-il moral? Que nos écoliers, durant leurs études d'histoire naturelle, apprennent donc à regarder la beauté extérieure du corps humain, comme ils en apprennent déjà l'anatomie. On préparera de la sorte, des hommes capables d'admirer le nu saus convoitises matérielles, voiie même sans désirs immoraux. Je le répète sérieusement, montrons le nu pudique à la jeunesse et qu'elle l'étudié scientifi juement. Préparons la pour le rôle humain qu'elle devra remplir, et les artistes sincères n'auront plus à défendre la liberté de leurs inspirations et de leurs œuvres. Au lieu de cheicher l'immoralité dans ce que l'art a de plus durable et do plus élevé, efforçons-nous honnêtement de la détruire dans l'esprit du public. Émile Baes.

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