L'indépendance belge

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02 december 1918
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s.n. 1918, 02 December. L'indépendance belge. Geraadpleegd op 07 mei 2024, op https://nieuwsvandegrooteoorlog.hetarchief.be/nl/pid/cv4bn9z013/
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Lundi 2 décembre 19Î8. iu cermmes 89e année. L'INDÉPENDANCE BELGE TÉLÉPHONE t Direction ...... A 2278 Administration .. .. .. .. B 73 Rédaction « .. Ë 75 Adressa télégraphique : LINDEBEL-BRUXELLES ' Fondée en 1829 ADMINISTRATION ET RÉDACTION : RUE DES SABLES, 17 Bureaux parisiens : place de la Bourse, 11 ABONNEMENT I BELGIQUE i Un an, 24 fr. s sis mois, 12 fr, t trou mois, 6 francs. ÉTRANGES i Un an. 40 fr.; six mois, 22 trois mois, 12 francs. le Problème MeconsMin L'EFFORT A RÉALISER Si les études ont été minutieusement poussées, si les projets ont été soigneusement dressés et si la critique et la discussion en ont été sérieusement faites, il reste les décisions définitives à prendre, — après consultation des pouvoirs légaux légitimes; il reste tout à réaliser. Mais il était urgent, tout do suite, d'agir, c'est-à-dire de veiller à ce que pouvaient tenter dans les sentiers perdus de cet effarant désarroi, les communes abandonnées, les villages solitaires, les petites cités orphelines de toute tutelle et parfois même de toute direction quand leurs administrateurs étaient décédés ou exilés. 11 fallait éviter qu'à certain moment, une fois la fièvre vaincue et l'angoisse apaisée, on ne se mit à prendre des décisions hâtives, inconsidérées, mal étudiées. Il fallait craindre aussi que dans certains cas on ne se décidât à n'en pas prendre du tout, et à laisser compromettre ainsi, d'une façon ou de l'autre, par des maladresses individuelles, l'œuvre collective à entreprendre et à réaliser plus tard. *** Le premier organisme qui s'émut de la situation, fut la Commission royale des Monuments et des Sites. Cet aréopage de gens à tous égards distingués,n'eut pas toujours une bonne presse avant la guerre. On discutait assez volontiers ses avis, — quand elle en émettait.. On critiquait son organisation,, dont elle n'était d'ailleurs pas responsable. On lui reprochait d'agir, quand il lui arrivait de faire quelque chose, et de ne rien faire quand elle se bornait à ses petits échanges de vue habituels et à liquider ses jetons de présence. (Mais, sans aucun doute, devant la situation issue de la guerre et l'impossibilité où se trouvait le pouvoir central d intervenir, la Commission royale des Monuments revêtait donc le caractère officiel nécessaire pour donner à son intervention une illure effective et salutaire. Dès novembre 1914, donc tout au lendemain du désastre, la Commission -oyale prit connaissance d'un rapport que menait de rédiger son président, et l'un de ses membres les plus actifs, M. l'architecte Saintenoy. Ce rapport ne manquait pas d'intérêt. Il attirait l'attention sur la difficulté de résoudre le problème de la reconstruction en tenant compte de la législation existante. Les lois combinées .lu 30 mars 1836, 1™ février 1844, 15 août 1807 et 28 mai 1914 ont conféré aux villes et communes le droit d'accorder les autorisations de bâtir le long de la voie publique, conformément aux règlements décrétés par les autorités supérieures et communales. . Mais comment, dans de telles conditions, disait le rapport, obtenir de beaux ensembles? Et le rapport répondait lui-même à, cette question : l'octroi du subside peut dépendre de certaines restrictions faites aux droits des communes ou des propriétaires. On préconisait l'octroi ,de subsides, tant de l'Etat que des provinces et des communes, comme moyen d'action pratique, -ton entrevoyait, comme une possibilité ai6ée, l'accord des trois pouvoirs en vue de la reconstruction des propriétés publiques et privées détruites par la guerre en 1914. Le rapport en question proposait aussi que les pouvoirs publics fissent examiner ' par les services compétents, notamment par la Commission des -Monuments et des Sites, les plans des maisons et immeubles à reconstruire, de façon « à accorder les traditions avec les progrès de l'art ». Les rapporteurs signalaient la néoes-aité pour les communes de remanier et rajeunir leur règlement sur les bâtisses, afin « d'armer leur bon vouloir et leur désir de bien faire ». L'intervention des pouvoirs publics étant acquise en principe, le rapport indiquait les espèces. On insistait spécialement sur la nécessité de viser « la beauté de l'ensemble ». An sujet de la reconstruction des monuments détruits, le rapport prévoit l'intervention des différents pouvoirs, « chacun de la manière qui s'impose à eux a et prévoit que, pour certains monuments, se no-sera la question « du dégagement s grands édifices drus les cités anciennes ». En règle générale ces messieurs estimaient h qu'il faut toujours -conserver aux édifices monumentaux le cadre pour eq iei ils ont été faits », mais ils n'étaient loin de penser « que ce problème se peut concilier parfois avec les exigences circulation moderne ». Avons-nous dit que pour preuve les bons résultats que l'on peut obtenir, -e à la réglementation des bâtisses, les rapporteurs réveillaient de la poussière de nos' archives communales r-donnance de 1697 du magistrat de Bruxelles interdisant de cor»;, .-.v« un immeuble sans que le modèle co. v- soumis et ap~-prouvé, — ordonnance vexatoire, pput-cire, mais à laquelle nous devons la "(Ira,, i' ' -ce de notre capitale, — c'est-à-dire ! merveilleux ensemble architectural du monde. & * L'intervention répétée du pouvoir central et ce rappel au passé, l'évocation de l'ordonnance de 1697 n'eurent peut-être pas l'heur de plaire aux communes et particuliers. C'était soulever, là, une u-ble susceptitrlité nationale, ex1: Ornement sensible : l'autonomie communale et a liberté individuelle. Mais la liberté individuelle invoquée oar les uns, l'autonomie communale mise en avant par d'autres n'ont rien à voir avec le problème de la reconstruction. II y a un point essentiel qui, d'ailleurs, pourrait tout arranger, c'est de mettre des restrictions au droit de subside de tous ceux à jji, après la fin des-hostilités, on accordera des indemnités. Il ne serait pas possible que l'Etat qui représente la collectivité, n'eût pas a fa- 1 culté de permettre aux sinistrés de reçois- ' truire, moyennant quelques conditions aai; ' ticulières, de façon à .respecter un bel ensemble architectural, un coin pittoresque ou un paysage merveilleux. Qui -donc au- , rait songé, par exemple, à s'opposer à la ( loi — Destrée-Carton de Wiart (12 août , 1911) — destinée à assurer ta conservation < de la beauté des paysages? Personne, — < bien au contraire! Et on regrette seulement ( que cette loi soit insuffisante et' que les | paysages continuent à être offensés, — < avec, parfois, la .complicité ironique des i administrations communales et des dépu-tations permanentes. i Nous nous trouvons devant une situa- 1 tion exceptionnelle. Il faut sauver ce qui nous reste du pays et essayer de rétablir en beauté ce qui fut détruit. C'est une œuvre nationale qu'il importe de réaliser en y apportant une large bonne volonté et le souci de bien faire. Chacun en trouvera la récompense, plus tard, dans le Irbleau attrayant d'une patrie reconstituée, plus jolie et plus vivante que jamais. *** Mais les instructions sages et raisonnables de la Commission royale des Monuments et des Sites, suffi&aient-elles ? Ne fallait-il pas entreprendre avec toutes les villes sinistrées, avec tous les villages dévastés, des relations constantes ? Né fallait-il pas se tenir à leur disposition, ouvrir une sorte d'office de documentation et de consultation, les aider, les conseiller, jouer auprès d'elles ce rôle de tuteur qui est le rôle de l'Etat et que celui-ci, dans les cruelles circonstances que nous vivions, était dans la douloureuse incapacité de remplir? Tout le monde était de cet avis, mais il fallait trouver l'organisme assez bien outillé pour assumer cette charge et cette responsabilité. Depuis 1913 existait, dans le pays, une association de communes et de personna-nalités administratives et politiques, de toutes nuances, — l'Union des villes et communes belges qui organisa, la même année le Congrès des Villes à l'occasion de l'Exposition de Gand. Le président en était, — et en est encore, — M. Braun, mais ses multiples devoirs de premier magistrat de la cité d'Artevelde ne lui ont pas permis de se consacrer, comme il l'eût voulu,à ses fonctions de l'Union des Villes depuis la guerre.. La cheville ouvrière, l'âme agissante de cet organisme était son directeur, M. Emile Vinck, sénateur provincial du Brabant. La combinaison était facile à trouver. On la trouva. La Commission royale des Monuments et des Sites et l'Union des Villes constituèrent ensemble une « Commission spéciale des abris provisoires et de la Reconstruction ». M. le gouverneur Béco en prit la présidence, et le Comité national de Secours et d'Alimentation la plaça 60us son manteau protecteur. D'autre part, sous l'égide r'11 Comité agricole national, émanation du grand Comité de secours et d'alimentation, se forma la « Commission spéciale pour 'a reconstruction des- fermes et des villages », qui, plus tard, prit le titre de « Commission spéciale des reconstructions rurales » et qui se trouva constituée en partie par-eda Commission nationale pour l'embellissement de la vie rurale ». Enfin, il se forma aussi une Commission 1 spéciale des agglomérations industrielles. Ces divers ~ groupements appelèrent à eux quelques personnalités. — architectes, artistes, hommes- de lettres, ingénieurs, professeurs,- magistrats, administrateurs publics, fonctionnaire?, —: dont le goût eu ia compétence- pouvaient, leur 1 assurer une collaboration active et efficace. Cette collaboration fut heureuse et fé- - coude. ' .. !- Elffi s'exerça, pour lé bieri -da pays, avec une constance louable et une fière ténacité, pendant, toute la durée de l'Occu- - pation. ' La Reddition d'Anvers Un récit de M. Franck Les jours sombres de la chute d'Anvers! Vous vous rappelez? Ce fut très dur pour les Belges demeurés en Belgique. Sans doute, nous eûmes très vite la joie de jouir de la déconvenue de nos ennemis, de la déconvenue causée par la retraite de la garnison. Tout de môme,ce fut pénible. Et puis, il y eut ce que l'on ne connut plus dans la suite : il y eut des récriminations, des rumeurs accusatrices, auxquelles, hélas! des journaux belges publiés à l'étranger, firent écho. Tout cela est dissipé depuis longtemps. Mais il reste intéressant tout de même de dire de façon précise l'extraordinaire histoire de la reddition d'Anvers. Elle nous fut contée un soir par M. Louis Franck. Il y a longtemps déjà. C'était vers la fin de 1915. Nous étions dans une maison amie, et nous goûtions le réconfort d'une de ces longues causeries en lesquelles,'aux pires heures, no js puisions la confiance et nous nous moquions d'Eux, d'eux .qui se croyaient nos maîtres. M. Fianck en vint à nous dire ce qu'il avait vécu en !l914. Il avait oublié, je crois, qu'il y avait là un journaliste. Le journaliste, d'ailleurs, ne « fonctionnait » plus. Il prit tout de même quelques notes à la dérobée ; rentré chez lui, il compléta les notes. Il les retrouve aujourd'hui. Et ii peut reconstituer le récit. Voici ce que M. Franck, député et président de la Commission intercommunale d'Anvers, nous avait raconté : — Le Boi nous avait fait appeler, M. Devos et moi, le meroredi matin. Il était ému, mais parlait avec fermeté, donnait l'impression d'une grande force morale. Il nous annonçait que l'armée allait quitter la ville et nous confiait celle-ci. ' Quoique cette nouvelle nous fit prévoir le dénouement très proche, nous gardions malgré tout le sentiment que la ville défendue par des forte, tiendrait encore un certain temps. Mais le soir même le bombardement commença. Il se poursuivit dès lors sans interruption. La population se montrait courageuse. Il n'y avait pas d'affolement, mars on quittait la ville. L'aspect de la foule, sur les routes était poignant. Celui de la ville devenait tragique : il y avait peu de victimes, mais les incendies causaient de graves soucis. Ils se multipliaient. On ne pouvait guère les combattre parce que, d'une part, beaucoup de maisons atteintes étaient vides d'habitants, et, d'autre part, le feu allemand avait détruit la canalisation d'eau. Les pompiers s'épuisaient en vains efforts; plusieurs d'entre eux, déjà, avaient été tués. Le jeudi, vers midi, je vis le général De-guise. Il était très ferme, très décidé ; mais i1 n'avait plus à sa disposition que la deuxième division, un petit corps d'Anglais et de vieilles troupes de forteresse . La journée et la soirée se passèrent à , essayer de combattre les incendies qui s'étendaient, et à s'occuper de la population, qui ; quittait la ville. L'armée partie Dans ia nuit de jeudi à vendredi, je venais de regagner l'Hôtel de ville, où les membres ( du collège échevinal et moi, nous restions en permanence. II était environ deux heures et -demie. Je venais de m'étendre sur un lit de camp, lorsque je fus réveillé par le téléphone f on m'avertissait que l'armée avait quitté la ; place, que l'état-major était parti ; on n'attendait plus que le passage des dernières troupes . pour faire sauter le pont de bateaux. Je fis vérifier immédiatement ces renseigne- \ ments. Ils me furent confirmés. Plus tard,' à : l'aube, je me rendis moi-même au siège de 1 l'état-major, au Pilotage, où régnait la veille une si grande activité. Il n'y avait nlus rien. Immédiatement, nous réunîmes les membres du collège, quelques membres de la commission intercommunale — ceux qu'on avait pu prévenir — le gouverneur de la province, M. de Werve de Schilde, le sénateur Byckmans, M. Carlier, de la Banque nationale, le consul d'Espagne. Je présidai la délibération; j'exposai la situation : le bombardement continuait, terrible; il y avait déjà une vingtaine de foyers importants d'incendie. Nous n'avions reçu de l'autorité militaire aucun avis, aucune instruction. Nous étions décidé^, à appuyer de toutes nos forces la résistance'de la place ; mais la situation se modifiait du moment où la garnison, après l'armée de campagne, était partie. La ville, désormais, était exposée à la destruction sans aucune utilité au point de vue militaire. J'avais réfléchi à la situation. Je me rendais compte des dangers d'une intervention. Mais il n'y avait que deux partis à prendre : ou bien s'abstenir dans la crainte des responsabilités personnelles et assister à l'anéantissement de la cité, ou bien prendre sur nous d'intervenir et tenter un effort pour arrêter le bombardement. J'opinai nettement dans ce dernier sens. La pire faute était, à mes yeux, de fuir les responsabilités que les circonstances nous imposaient. Et .après un court échange de vues, au cours duquel fut soutenue aussi la thèse de l'abstention, l'assemblée, à une exception près, se prononça dans le sens de l'intervention. Il fut décidé qu'une délégation s'efforcerait de franchir les lignes de feu et d'arriver au quartier général allemand, afin d'essayer d'arrêter le bombardement. Je fis acter que nous ne fournirions. aucun renseignement d'ordre militaire. Nous partîmes en auto : le bourgmestre Devos, le sénateur Byckmans, M. Yebra, consul d'Espagne, et moi. Nous étions précédés de deux agents cyclistes portant des drapeaux blancs. Le bombardement, après une accalmie, recommençait des plus belles, ou moment où nous atteignions la chaussée de Ma-lines. Nous n'avions aucune indication; nous suivions la ligne indiquée par le tir ennemi. A la porte de Wilryck, nous trouvâmes, à notre grande surprise, un poste belge qui n'avait pas reçu d'ordres. L'officier de service nous confirma que, au point de vue militaire, il n'y avait évidemment plus rien à faire. Hors de la porte, on nous cria que plusieurs hommes venaient d'être tués tout près de là. Au fort 6, on nous confirma encore que l'ennemi avait franchi les deux lignes de l'enceinte. Un officier nous donna un guide pour nous aider à sortir des lignes de fil de fer. Et nous arrivâmes à hauteur de la chaussée de Boom. Au Quartier général Là, nous fûmes arrêtés par les premiers postes allemands."Un officier dléta^-major nous fit bander les yeux, renvoya nos agents cyclistes; et l'auto continua de rouler. Nous ne voyions plus rien ; nous entendions les rumeurs des cantonnements, et les roulements du Xeu de l'artillerie, Après une heure environ, l'auto s'arrêta, une voix nous dit : — Messieurs, vous pouvez enlever vos bandeaux.Nous étions à Malines. Un officier allemand vint nous demander s'il y avait un officier belge parmi nôus, ou si nous étions munis de pleins pouvoirs. Je repondis : — Nous désirons être conduits auprès du général en chef commandant devant Anvers. L'officier nous quitta pour téléphoner. II. revint après quelques instants et nous annonça : — Le général von Beseleer vous attend à Tildonck. Nous reprîmes le voyage en auto, voyage lugubre. dans une région où la guerre avait fait rage. Fermes incendiées, ruines fumantes et cadavres. Et nous arrivâmes à Tildonck vers onze heures. On nous conduisit au cour vent des Ursulines, où se trouvait l'état-major. Dans un couloir sombre, j'entendis une voix de femme qui murmurait : « Vous venez d'Anvers? Nous avons beaucoup prié pour vous. " Je ne vis pas oelle qui parlait On nous introduisit dans une salle encombrée de grandes tables portant des cartes. Et le général von Beseleer vint à notre rencontre. Le consul d'Espagne nous présenta, en françaià; le général demanda si quelqu'un parmi nous parlait l'allemand. On me désigna;.et la conversation s'engagea. J-'expliquai que nous étions les représentants des autorités civiles d'Anvers, que le bombardement provoquait des in? cendies, que nous demandions qu'on le fit cesser. — Y a-t-il, nous demanda von Beseleer, un officier général parmi vous? — Non. — Etes-vous munis de pleins pouvoirs? — Non. — Mais alors, Messieurs, il m'est impossible de négocier avec vous. Où est donc l'armée belge? — Général, je suppose que vous nous prenez pour des hommes d^honneur. Vous comprendrez donc que nous ne pouvons pas vous répondre.— Je comprends. Mais si l'armée belge est où je suppose, je puis • vous assurer qu'elle trouvera à qui parler... Le ton devenait désagréable. Le consul d'Espagne intervint : — Je puis vous assurer, général, que ces messieurs, sont les représentants de l'autorité civile, la seule en ce moment à Anvers. — Comment! s'écria le général, visiblement stupéfait. Comment! une pareille forteresse, et pas de général. Et il répéta cela, plusieurs fois, avec tous les signes de l'étonnement irrité : — « Eine solche Festung! Und kein General! Eine solche Festung!... » Nous interrompons ici le récit de M. Franck. Nous dirons demain, après quels pourparlers, on parvint à traiter avec ce général, suffoqué par la stupéfaction. Le Passage des Ironpss Irangaisas Presque chaque jour des troupes françaises traversent Bruxelles, en route pour l'Allemagne, où elles vont rejoindre leurs régions d'occupation. Hier matin ce fut le tour de la 70" division, celle de Nancy, et dont les régiments se composent en majeure partie de Lorrains, de Parisiens et de gars de l'Aube. Comme c'était dimanche, la foule sur le passage de cette armée était plus dense que les fois précédentes, et le temps étant clair et ensoleillé, l'entrée des soldats, qui se fit par la porte do Ninove.— ils avaient cantonné pendant quelques jours dans les villages de Scliepdael et d'itterbeek — fut particulièrement animée. Tout le long des boulevards extérieurs, par les portes de ïïal et de Namur, une quadruple haie de. curieux se pressaient, saluant, acclamant les guerriers amis. A la tête de ceux-ci chevauchait le général ■PB——■■HMHnMMnaMBMggBKMgMMBaiCTrW» i Tantôt, dont la selle était ornée de roses • que des dames lui avaient offertes. Beau-5 coup d'officiers avaient des fleurs sur la poitrine, et i>resque tous les « poilus » arboraient les couleurs belges, qui flottaient [ aussi sur les canons. [ La tenue de ces troupes était merveilleuse, d'une fraîcheur vraiment pimpante ; les hommes, vifs, joyeux, avaient l'air, comme * disait une aimable spectatrice,de sortir d'une ' boîte...Ils allaient,élégants,fins,allègres,aux ] échos entraînants des trompettes et des fan-s fares. Ah ! qu'on est loin des brutes que 1 nous vîmes traverser orgueilleusement nos rues il y a quatre ans et lamentablement les retraverser il y a quelques jours... ; Boulevard du Régent,à hauteur de l'hôtel de la légation de France, les troupes, dans un ordre splendido, ont défilé devant le général De Goutte, à côté duquel se tenait ■ : S. Exc. M. de France, ministre de France. ■ L'enthousiasme était délirant ; on ne cessait de crier : « Vive la France !... Vivent les | Français ! » Et les soldats, souriant au public, répondaient par des : « Vive la Belgique ! » La division s'est dirigée vers Louvain, première étape do son voyage sur les bords : du Iiihn. Un incident s'est produit au moment du défilé, boulevard du Régent. Deux agents de t police qui avaient cueilli quelque part où il 1 se cachait un soldat allemand en uniforme ■ le conduisaient au commissariat. Ils ont été 1 entourés par la foule ; celle-ci voulait s'em- ! parer du prisonnier , qu'on menaçait... , Mais on est parvenu à mener le Prussien [ sous bonne escorte au bureau, tandis que la . foule le huait. Le bruit des acclamations : qui saluaient les soldats français et de la mu- ■ sique militaire ont vite noyé ce tapage pas- ' sager. ECHOS " ; La réception solennelle du Boi, de la Reine l et des jeunes princes, à Paris, aura lieu, com- • me on sait, cette semaine. 1 Le programme en est dès & présent arrêté ; comme suit ; le 5 décembre, arrivée, à 14 heu-l, res.'à la gare du bois de Boulogne; les hôtes royaux se rendront ensuite au ministère des affairés étrangères, où des appartements leur ; sont aménagés. Vers 16 heuies, visite à l'Elysée. Le reste de la journée sera consacré à la s réception de la colonie belge et à un dîner à ' l'Elysée. Le 6 décembre, aura.lieu un dîner au minis-i tère des affaires étrangères. Le Roi, la Reine -j et leur suite se rendront à 15 h. 30 à l'Hôtel de ville, où les accompagnera M. Poinca^é. >5- Le départ pour la Belgique aura lieu le soir du 6. décemb/e,- par la gàre du Nord ou ia gare -- des Invalides. I M. Nélidoff, ministre de Russie en Belgique, r se trouve depuis quelques, jours à-BruxelIes. 3 De renseignements que nous avons pu recueillir, il résulte-.que c'est à la demande du ■ gouvernement belge qu'il est rentré dans la capitale, en même temps que le corps diplo- • matique tout entier. : M. Nélidoff ne représente pas le gouverne-1 ment russe actuel, qui n'est d'ailleurs pas plus reconnu 'par le gouvernement belge que par • les autres puissances alliées. t II est ici, accrédité auprès du Roi comme 5 représentant de l'ancien gouvernement russe, • c'est>à-dire celui formé il y a environ deux r ans par M. Kerenski. - Aussitôt que la tourmente révolutionnaire 3 qui déchire en ce moment la Russie aura pris r- .fin, et qu'un gouvernement sera "légalement r reconnu par la Belgique, M. Nélidoff, se trou-= vant déjà sur. place, continuera ses fonctions, - sans qu'il y ait eu. de la sorte, aucune inter-j ruption réelle dans l'exercice de son man at. Samedi après-midi. M. le consul général d'I- ■ talie avait réuni à la légation, rue Guimard, • à Bruxelles, la colonie italienne, pour la pré-5 senter au nouveau ministre d'Italie accrédité ■ près du gouvernement belge, M. le marquis • Carignani. t La réunion, toute intime, fut fort nombreuse. On y remarquait toutes les personnalités 1 importantes de la colonie, qui avaient tenu à être présentées au nouveau ministre. Au cours de l'allocution de présentation, le consul général, M. Léon Cassel, a souhaité la bienvenue au marquis. Carignani, et i'a prié 5 'de transmettre au roi d'Italie l'expression des sentiments de fidélité de la colonie et ses félicitations pour le triomphe remporté par les ' armées de ia monarchie. 11 a terminé son dis- • cours en priant le ministre d'être i'interprè- ■ auprès du marquis de Villalobar, ministre d'Espagne, des sentiments de gratitude de la t colonie, qui a toujours trouvé après de lui, au • cours des années si dures d'occupation, le soutien qu'elle en attendait. Dans sa réponse, le ministre a marqué sa satisfaction pour la cohésion et le patriotisme. 5 qui n'avaient cessé de régner parmi les mem-! bres de la colonie italienne. t C'est aujourd'hui, lundi, que les premiers • convois de militaires belges revenant des .'amps d'internement hollandais rentreront en Bèlgi- ' que. Les ministres Maison et Louis Franck iiront à leur rencontre, à la frontière. A propos du rapatriement des Be'ges réfu-' giés en Hollande (le .premier convoi arrivera, lundi prochain à Anvers), la « Liberté », fait les réliexions suivantes : « Le rapatriement des Belges réfugiés en Hollande, en Angleterre et en France, ne 'aisse pas de préoccuper l'autorité supérieure. » Passe encore pour les soldats internés lesquels vont, à partir de lundi, recevoir en Hollande, sur la proposition de M. L. Franckd'ar-riéré de leur solde. Et, comme- cela représente pour certains d'entre eux quelques centaines de llorins-, des agents du trésor s'établiront à Cappelien où l'on fera le change de leur pécule en pièces belges. » Mais que fera-t-on des civils? On en attend iprès de. 300,000, dont beaucoup viendront en. Belgique par ia voie maritime. Il ne peut pas être question de lancer ces multitudes sur Anvers. Le ravitaillement, même renforcé, ne suffirait pas à apaiser le formidable appétit de ' 300,000 bouches. On se décidera à les envoyer par petits paquets et à les éparpiller, par rayonnement. » Depuis un certain temps déjà, en effet, la décision a été prise d'employer le système des « petits paquets » : il en sera ainsi également pour les réfugiés qui se trouvent actuellement en France. Quelques-uns de nos compariotes réfugiés en Hollande sont revenus au pays; d'autres les suivent. Le gouvernement hollandais leur a permis d'emporter un bagage assez con sidérable ; chaque Belge, adulte ou non, est autorisé à passer la frontière en franchise avec les marchandises suivantes : 200 grammes de jambon, un demi-kilogramme de féculents, huit kilogrammes de pommes de terre, six bouteilles de vin ou de liqueur, un demi-kilo de lait condensé, une brique de savon, un demi-kilo de beurre, 200 grammes de fromage, 200 grammes de chocolat, 100 grammes d'épices et 25 kilos de charbon. Tout Belge, âgé de plus de seize ans, peut aussi se munir d'un demi-kilo de tabac au de cigares; par ménage, la douane tolère aussi deux boîtes de cirage. Le gouvernement hollandais a étendu en l'occurrence sa sollicitude aux bêtes : chaque ménage qui possède un ou plusieurs oiseaux chanteurs ou autres, il est loisible de passer avec un kilogramme de grai- j nés diverses. L'orchestre symphonique de l'armée de cam- ; pagne, sous la direction du sergent Corneil de : Thoran,- a joué, dimanche après-midi, un con- j cert que la ville de Bruxelles a offert aux Jnva- j lides de la guerre, aux femmes de soldats et | à d'autres groupements intéressants. Nos soldats ont parfaitement exécuté des pa- j ges de Gricg, de Boccherini, de Lulli, de Jon gen, de BJockx et, pour linir, ils ont brillamment enlevé quelques hymnes nationaux . la « Marseillaise », le « God save the King », j 1' « Hymne Indien », 1' « Hymne Américain » 1 et la « Brabançonne ». La salle a chaleureusement applaudi. Ah ! que ceci est bien de notre temps'I Je trouve, sur ma table, venue Là, je ne sais comment, une feuiLe arrichée d'un cahier 0'écolier. En haut, à droite, la date:27 novembre ; 1918; à gauche : cinquième grecque-latine; -*t, ; en-dessous, d'une écriture naïve et hésitante encore, ce texte. a Quutiès cumque milites nostri. »... avec la traduction en regard :« Toutes les fois que nos solJats en sont venus au* mains avec l'ennemi, ils se retirèrent vainqueurs. » D'où sort ce texte latin? Du De Viris? De César: De Tite-Live? .Mes souvenirs aass.ques ne ..sont ipas très tidèies. Mais d'où qu'il vienne, qu'importe! . Il répond bien à nos préoccupations du moment; il correspond aux sentiments de notre âme aotue.le, car pour* nous aussi ii .est vrai que nos soldais sont sortis v.cturirîiix des grandes bata.lles mondiales, car nous aussi nous avons l'orgueil de ia victoire". Bon enfant,-'le « poilu » bleu, en cavalier ^ur une chaise,- raconte .cette petite histoire de tranchées : « Natre couloir de boue ne se trouvait pas à plus de dix mètres de celui des boches. Depuis des semaines on a>tendait l'ordre de l'as saut, dans l'inaction... Nos voisins fasaient ue même, ils ne nous embêtaient pas trop; nous de notre côté, nous les laissions tranquilles. D'ailleurs, dans notre compagnie se troivait un clairon, véritable virtuose. Il charmait les longues heures de veille par des sunn-v.es d'autrefois, des appels de caserne, même les airs étrangers. Sans doutî, nos voisins élaienf-i s raét lianes, Qax.^lçrsque notre musicien ne trompettait pas, contre son' habitude, .une tête se risquait au-dessus du glacis de la tranchée et criait ; « Franzose!... Turiututu... Turlututu!... » nvi-iant d'une manière pressante au concert habituel. - .On s'habituait à cette prière baroque de gens aussi oisifs et aussi ennuyés que nous. Une certaine familiarité se manifestait finalement dans cet échange de musique, de notre côté, et d admiration du côté des auditeurs ennemis. Ua soir, ils appelèrent encore, leur urière était mêms plus insistante « Franzose!... 1 ur-lututu!... Turlututu!... ». Mais, peu avant, des ordres étaient venus. Les boches, s-ans inquiétude, montraient un chapelet de grosses têtes curieuses au bord le la tranchée. Le clairon, cette nuit-là, sonna la iha-g*. Finit de rire. La mitrailleuse accompagna, cette fois, rhé-roïque chanson. Impitoyable, elle faucha les caboches éba- , hies le long de la tranchée d'en face... C'est un soldat français :*Sur la plate-f'vrme de ia voiture de tramway, il regarde, avec une sorte d'attendrissement, les voyageurs. Et tout à coup, il prononce, avec un sourire d'enfant : — Tout de même, ça fait plaisir de voir des civils. S'il savait combien ces civils sont heureux de le voir. Tout de suite, dès que Bruxelles fut iccupô par. les A'iemands, les plus-be les de nos promenades devinrent insupportables. Ce n'étaient qu'A lemands, ce n'étaient qu'Allemandes, suies avenues, dans les chemins, dans les guinguettes. Et les "amants de la nature s'étaient résignés à s'aller promener à la campagne iu\ heures très matinales, où ils étaient à peu près sûrs de ne pas rencontrer quelques-uns des encombrants personnages. Hélas ! même à « aube, on en croisait sur les routes et dans ^e taillis, car c'est une espèce de gens qui se fau^e partout. Il fallut en prendre son parti : ou bien s'imaginer que l'occuipant était un mythe, ou bien rester chez sol, ce qui est une mesure toujours provisoire et précaire... Le bois de la Cambre était l'objet de 'a préférence des Teutons, dont on connaît t'amv.ir pour les arbres! Et on ne pouvait faire un pas sans en bousculer un, à pied ou à cheval. Tout Cela est déjà de l'histoire ancienne, tout cela a changé, et, maintenant, le long de l'avenue Louise, sous les ramures de feuillées du bois, sous la futaie sylvestre, c'est un .-orfige plus joyeux ; officiers belges et étrangers, on peut encore donner ce nom à des <o!dats qui sont devenus les frères des nôtres, <-e suivent en files, se mêlent en groupes gais «~t bruyants. EEt puis, retour d'un spectacle que nous ignorions depuis plus de quatre années, voici des amazones, une, deux, dix amazon-s... Les vieux hêtres semb ent . se réjouir de leur venue et le promeneur,, à la fois ravi et t »n-hé, se retourne pour admirer leurs g'rae;?\«es silhouettes noires. Et il. les. syit iplus lonu :e-ment- des yeux que les jolis cavaliers en uniforme bleu-horizon ou kaki qu'il regnrdait • y a un .instant avec une si juste sympa! ie... Nous avons dit déjà — et chacun sait d'ailleurs — quelle vive sympathie à toujours uni les populations de la Belgique et celles- du grand-duché de Luxembourg. Cette amitié est séculaire. Toujours, nous avons vécu en étroite intelligence avec nos voisins du Grand-Duché, et au cours de cette guerre nos liens se sont encore fortifiés. Dès les premiers jours de l'odieuse agression dont nous avons été victimes de la part des hordes allemandes,' les sujets grand-ducaux nous sont venus en aide. Le 20 août 1914, quand les populations du pays de Virton et de Longwy, si rudement éprouvées, séparées du reste du monde, se voyaient, après l'horreur du massacre, menacées de la famine, ce furent nos voisins qui, les premiers, les nourrirent, les réconfortèrent. Ils avaient,, eux, été épargnés. L'envahissement de leur territoire s'était opéré sans effu- t sion de sang, sans ces exécutions sommaires, î ces incendies qui dévastaient nos provinces. - Et du premier jour, dans un grand élan de fra- - ternité, ils c.irent à coeur d'aider nos compa-, triotes, victimes de l'odieux coup de force. Il est juste que nous n'attendions pas da- , vantage pour adresser aux grand-ducaux les - sentiments de gratitude et de reconnaissance 5 que nous éprouvons. Parmi eux, il est une figure de dévouement particulièrement sympa- t thique, que nous saluons avec émotion, celle - de M. Bastian-Hoffman., avocat à Luxem-i bourg, décédé depuis, qui durant toute cette - période tragique, se dépensa sans compter. * Une telle solidarité ne peut s'oublier : plus 1 que jamais la Belgique se sent fraternellement t unie au grand-duché de Luxembourg. Les jours passent et passent vite... La joie subsiste. Il commence à s'estomper dans un - lointain relatif, l'angoissant moment où nous ? avons revu nos soldats, le Roi, tous ceux que nous aimons et vénérons. Et pourtant, chacun - conserve le sourire, la gaieté éclaire tous les t visages, les rues sont rayonnantes de la bonne humeur de tous. On chante, on danse, on fait du bruit, beaucoup de bruit! Et parmi la foule des nôtres, on s'extasie devant la bonne mine des soldats anglais, l'entrain des piou- 1 pious de France, la crânerie des Canadiens et , la drôlerie sympathique des Ecossais. j C'est que la vie, décidément, a changé. Il y, a quelques jours, nous pouvions nous demander si nous ne rêvions pas. Aujourd'hui nous sentons mieux la réalité : l'occupation, c'est ? déjà un peu passé. Nous sommes en plein ré« ] veil magnifique. Nous ne rêvons plus... Nous sommes redeve-1 nus nous-mêmes. Et nous le sentons d'autant mieux que pendant quatre longues années l nous avions eu la sensation de vivre dans une 5 brume épaisse qui comprimait la pensée et 1« . coeur . Et voilà pourquoi la joie subsiste, la bonne ^ joie des bons jours de chaud soleil et de beau ciel bleu, bien que nous soyons au coeur frais de l'hiver... ^ Les Alsaciens-Lorrains originaires des an-! ciens départements de Moselle, Meurthe, Haut» - Rhin, Bas-Bhin, naturalisés ou non, sont in-,* vités à se réunir au Pathé-Palace, 85, boulevard Anspach, mardi prochain, 3 décembre, à | 2 heures. Ordre du jour : libération de l'Alsa-ce-Lorraine.Les immigrés ou descendants d'immigrés n« . sont pas admis. Premier combat Notes d'un soldat Nous étions partis dès le premier jour de la mobilisation. Je fus dirigé de Liège vers la fort de Flémalle, où nous sommes restés quel< ques jours. PUiS nous sommes descendus dans la vallée pour renionter bientôt les hauteui^ de Retinne, de BeUaire et de Saive. C'est dans ce petit village wallon, plein da troupes de la troisième division, que noua nous attendions à voir venir les Boches. Noua savions, parce que nous en avions fait, qu'il y avait, tout autour, des tranchées et des rtJ doutes. Dapuis deux ou trois jours, nous ..saî vions que les armées' allemandes avaient pcJ nétré en Belgique, nous étions sûrs qu'il* avaient fait le geste infâme, et qu'ils avaient violé le sol de la neutralité duquel ils s'étaient jadis, portés garants. Dès lors, dès le moment où nous avons con^ nu que c'était vraiment la guerre, nous avona eu d'autres pensées, plus mâles et décidées^ Nous savions. Et nous attendions impatiem ment le moment de ne plus faire des marches fatigantes, des travaux assommants, des exercices que nous jug;ons peu utiles, de 11e plus continuer enfin notre service de garni» son, mais de pouvoir dire à l'ennemi que nous étions là, même a un peu là! » Nous aspirions à aller au combat. C'était un r/ertiedi, le 5 août exactement* A onze heures et demie, pas très loin de nous, une fusillade nourrie éclate. Au loin un canoiL tonne. Il est onze heures quarante quand 1® cri de « Aux armes! » nous réunit Nous allons renforcer ceux que nous venon^ d'entendre tirer. Après avoir coupé quelques haies, nous prenons position. Et nous sommes restés là trois heures. Trois heures dont je ne pourrai plus dire si elles me parurent longues ou courtes, tant les émotions qu'elles contin« rent furent diverses et angoissantes. Car, tous -les soldats vous le diront,les impressions qu'on ressent, la première fois qu'on va au feu, chaque fois même qu'on y va, sont les mêmes qu'une sorte d'angoisse qui vous prend, non pas ia peur, non pas la frousse, mais uiie espèce de trac qui s'atténue d'ailleurs avec la temps. Ce sentiment s'empare étrangemént da l'être tout entier. On sent à peine qu'on a d« s nerfs et que l'on réfléchit. On est entouré de bruits qui paraissent mystérieux : ronflement des obus, venant on ne sait d'où, coups secs au départ, coups plus sonores et prolongés a l'arrivée, balles qui sifflent au-dessus des corps étendus, ou qui éclatent avec de petits tj uits secs Evidemment, cette impression ne dure pas âussi longtemps chez tous. Il y en a qui t'en liberent assez vite. Mais tous les soldais l'ent ressentie, au moins une fois. Cela • se comprend du reste, aisément. Les bruits d'un champ de bataille, étaient, pour nous, soldats-de la première heure, chose tellement insolite! Beaucoup d'entre-nous n'avaient jamais entendu tirer le canon. Pour beaucoup, Jes combats d'août 1914, étaient les premières grandes manoeuvres! Et puis, cela me semblait tellement anormal de commencer la guerre dans un paysage si plein de vie et de gaieté. Nous avions, il est vrai, fait des travaux de défense dans les secteurs des forts. Mais cela nous paraissait tellement insuffisant, tellement improvisé et les armées allemandes arrivaient chez nous avec une telle réputation de force et d'organisation, que si nous n'avions pas eu au coeur, déjà alois, une foi solide en la justice de notra droit, nous n'aurions pas commencé, ce mercredi matin, la grande lutte inégale. Mais nous pensions aux mots énergiques qu'était venu nous dire, quelques jours auparavant, le vaillant général Léman lui-même en visitant une de nos redoutes, et nous savions déjà aussi que nous 11e serions pas seuls, qua la France éternelle s'apprêtait à nous s. courir, que l'Angleterre, à son tour, pourrait bien ne pas rester neutre. Et l'idée de voir des culottes rouges nous transportait d'enthousiasme.Et puis, on nous avait dit que les Allemands étaient à Visé, à Liège, à Arlon, à Nancy; qu'ils occupaient Verviers, Herve, José, et ies nouvelles qu'on nous apportait et que nous lisions dans les journaux étaient si invraisemblables que nous n'étions pas fâchés de voir d'un peu près ceux dont on nous faisait un tableau plutôt effrayant. Notre premier coni:act avec l'ennemi fut cette fusillade ininterrompue de trois heures. Il n'y avait pas la moindre tranchée, là où nous sommes allés. C'était une prairie. Nous nous sommes couchés derrière une des haies, regardant fixement et terriblement un petit coin de l'horizon par où l'enne-

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Dit item is een uitgave in de reeks L'indépendance belge behorende tot de categorie Liberale pers. Uitgegeven in Bruxelles van 1843 tot 1940.

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