La patrie belge

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- 74 - Les Morts aux Champs d'Honneur A la mémoire de Fernand Dardenne, rédacteur au «Peuple», volontaire belge tué à l'ennemi. Il eût fallu la voix du Maître de la Flandre Pour dire avec splendeur leurs exploits et leur mort Et chanter en des vers magnifiques et tendres La gloire de leur nom et l'orgueil de leur sort. Mais puisqu'il est couché dans la dune bénie De ce pays rude et fécond qu'il aimait tant, Poètes, laisssez-nous pleurer sur les enfants Que nous avons donné à l'altière Patrie. Ah ! laissez-nous pleurer leur force et leur jeunesse, L'espoir vertigineux flamboyant dans leurs yeux, L'avenir exalté qui se fondait par eux, Temps prochains de travail, de paix et de sagesse. Laissez se lamenter les amantes oieuses Qui pleurent pour jamais leurs désirs éperdus Et les baisers promis et leur amour perdu, Dans l'immortel regret des étreintes heureuses. Ecoutez la douleur des mères moribondes, Leurs farouches sanglots, leurs cris aésespérés, Et les pères jetant à la face du monde Les terribles serments de leur rêve écroulé. * * * Gloire ! Soleil des morts ! Ils ne reviendront pas, Les valeureux troupiers et les beaux capitaines Qui s'en allaient confiants dans la cause hautaine Du Droit, et radieux d'en être les soldats. Ils sont tombés, le front auréolé d'éclairs, Et leurs assauts têtus sont marqués dans la terre — 0 tertres fratern Is ! Humbles croix solitaires ! — Des collines de Liège aux rives de l'Yser. Héros agonisant sans plainte et sans blasphème, Ils frémissaient encore à l'appel d'un clairon Sonnant dans le lointain, là-bas, vers l'horizon ... —• El leur âme songeait aux batailles suprêmes. * -* * O Morts prédestinés ! 0 grands Morts pathétiques ! Le vent nous apporta l'écho de vos combats Et nous avons suivi la trace de vos pas Sur les chemins sanglants de la carrière épique. Dans les siècles futurs de joie universelle, Les enfants chériront voire pur souvenir Et les hommes viendront en pèlerins fleurir Vos solennels tombeaux de fleurs toujours nouvelles. Parmi les étendards des jours anniversaires, C'est là qu'on mènera les garçons désignés-, Afin de les vouer au culte immaculé De l'Honneur intégral et du Devoir austère. Et c'est là qu'en tremblant les femmes langoureuses, A l'ombre des lauriers où vous reposerez, Connaîtront la douceur des aveux murmurés Et le premier émoi de leur vie amourtuse. Le peuple, obscur gardien des illustres mémoires, Gravera dans le marbre et dans le sombre airain Des signes éternels, hommage souverain, A ceux qui n'ont pas vu l'ange de la victoire. Et proclamant déjà le sacre de l'Histoire, Les carillons fameux de nos vieilles cités, Sur mon ardent pays enfin ressuscité, Chantent pour vous, Soldats, un hymne invocatoire. Léon Leqavre. (décembre 1918). Deux nobles figures VI. Thomas Braun (Suite") J'étais désespéré, quand von Bissing — oui, le gouver-neur-général lui-même ! — me souffla mon idée. Une idée bête, bouffonne, qui me ferait presque rougir aujourd'hui, mais qui sauva le pauvre enfant. Figurez-vous que le matin de l'audience, von Bissing fit afficher une ordonnance défendant de crever les yeux aux pinsons. Et je dis à mes juges : serez-vous plus inhumains pour cette enfant que vous ne pouvez l'être pour les pinsons ? A ceux-ci vous ne pouvez enlever la vue : allez-vous enlever la vie à celle-là ? Laissez-la en cage, si vous voulez, mais permettez à ce gentil pinson de chanter encore... Et j'entendis à mes côtés cette réflexion d'un officier : Ceci est gentiment français. Mon joyeux pinson fut sauvé. Sans doute elle fut condamnée à mort, mais le tribunal lui-même prit l'initiative d'un recours en grâce qui fut accueilli. — Ce pauvre petit pinson, comme vous l'appelez, fut-il seul â bénéficier d'un mot ou de l'inspiration d'un moment ? Non, je me souviens d'une autre enfant qui comparaissait devant la Justice allemande dans une de ces innombrables poursuites auxquelles donna lieu la " Libre Belgique „. C'était, si mes souvenirs ne me trompent, la petite fille d'une dame Massardot, une libraire du Passage. Je ne sais trop pourquoi la vue de la grand'mère et de la petite fille me rappela la légende du petit chaperon rouge, légende aussi répandue en Allemagne que chez nous, et j'ai dit aux juges : acquittez cet enfant. Ce soir grand elle retrouvera sa grand'mère, elle pourra lui dire : J'ai vu le loup et le loup ne m'a pas mangée. Ils ont souri,... et acquitté. Le hasard, voyez-vous ! — Ils étaient donc accessibles à une bonne raison, à un bon sentiment ? * Voir le n° de La Patrie Belge, du 7 décembre 1918.

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