La semaine d'Averbode

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Averbode, 12 Avril 1914. Parce que abandonnées !... e train roulait à toute vapeur vers Bruxelles. Dans le compartiment que j'occupais, il y avait, outre quatre messieurs, une demoiselle faisant du cro-i chet et à côté d'elle une dame encore jeune. Je me trouvais en face de cette dernière, s — Et cela ne vous fatigue pas, mademoiselle Elise, de îiiaucinuiaciio travailler ainsi déjà en chemin de fer ? — Pas le moins du monde, madame Jeanne; je préfère même m'occuper à ces petits travaux de crochetage qui me rapportent quelque peu, que de fatiguer ma vue, comme tant d'autres, à lire de ces mauvais romans et feuilletons qui grisent leurs esprits et achèvent de corrompre leurs cœurs. cœurs. — Si elles y trouvent leur plaisir !... — Vous croyez ?... Ce n'est cependant pas mon avis. Les malheureuses se bourrent la tête de folies imaginaires qui les poursuivent toute la journée, leur laissant à peine l'esprit au travail ; ce sera le thème de leurs conversations à l'atelier ; à midi, elles avaleront vite un morceau pour continuer leur lecture, qu'elles reprendront le soir au retour. Au contraire, mon crochet est, en même temps qu'un petit rapport, une distraction, qui a moins l'excellent résultat d'éloigner la folle du lo^is. 0 -v. —- Vous m étonnez, et je vous admire, mademoiselle Elise. — Il n'y a pas de quoi, madame Jeanne. J'ai la chance d'avoir une brave chrétienne pour mère. Elle m'a élevée dans des idées très hautes qui me conduisirent à juger la vie, non comme une fin en soi, mais comme un moyen pour atteindre une fin plus lointaine, où la divine Justice donne à chacun la part de bonheur qui lui revient, suivant l'usage qu'il aura fait de la vie. C'est près de ma mère que j'ai appris la valeur du devoir, de la vertu, et c'est à elle que je dois d'estimer au plus haut point la grandeur d'agir toujours suivant sa conscience, ses convictions. — Et vous êtes heureuse ? — Oh ! l'existence d'une ouvrière est dépourvue de joies saillantes, mais je suis néanmoins heureuse du bonheur que je donne à ma mère et du peu d'aisance que mon travail honnête procure au logis. — Mademoiselle Elise, vous êtes une vaillante. — Il faut l'être, madame Jeanne, et ce sera de plus en plus nécessaire pour rester honnête et vertueuse en fréquentant surtout les ateliers de mode. Le travail y ' est usant, les locaux qui nous abritent son' étroits, mal éclairés, mal aérés ; pour parvenir à gagner une journée raisonnable, on nous force à emporter du travail pour la veillée, souvent très longue en pleine saison. Cela dure quelques mois, puis vient la saison morte pendant laquelle les meilleures ouvrières restent. Et quelles conversations dans ces ateliers!... — Pas possible!... — Vous ne sauriez vous en faire une idée. Le vice et la tuberculose ravagent nos ateliers féminins. Pour la jeune fille, qui veut rester honnête et vertueuse, la vie y est difficile et pénible, car elle doit subir les railleries des compagnes qui se sont abandonnées au plaisir facile, qui la jalousent alors et voudraient lavoir souillée. Du matin au soir c'est toujours le même thème de conversation : les fréquentations ; il y a plus de partisans de l'union libre et du divorce que du mariage chrétien ; rares sont celles qui acceptent les enfants et les théories malthusiennes son* en grande vogue. — Et vous savez résister ? — C'est dur, madame Jeanne ; mais ce- IINE FERME SOUS LA NEIGE. — Ier prix du concours Givre et Neige. (Photo j. Blanvalet, Fléron-.)

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