NUMERO 4. MEI 1917. Les Belges du Dehors. LE GENERAL RUCQUOY, Chef de l'Etat-Major de l'Armée Beige " Parle-t-on de nous dans Ie pays envahi? Que dit-on?" C'est par ces mots que sont accueillis tons ceux qui arrivent a s'échapper du joug bochè lorsqu'ils abordent en Angleterre. J'ai assisité a la scène lors de mon dernier congé. Pour com-prendre l'anxiété de la question, il faut se rendre compte de ce que représente pour 1'exilé J'évadé de Belgique. On Ie recoit avec la veneration qui s'attache au sol de la patrie. Son visage n'est-il pas empreint de l'expression méme de la terre sacrée? Quand oin l'a bien pressé d'interrogations sur les êtres qui nous sant chers, sur la vie miatérielle et morale, la demande se formule hésitante, muette. "Que pense-t-on de nous? " Souvent l'arrivant est déconcerté. ÏI .sé dérobe, il hésite et l'on percoit quelqu'effare-ment devant l'insistance de ses interlocuteurs. Ceux-ci voient vite que son désarroi est du surtout a l'importance attachée par eux-meines a la question et du poids dont se charge soudain a leurs yeux la réponse qu'il va faire. S'il répondait sans réfléchir, il dirait: "Mon Dieu ! on a autre chose a penser et a dire." Et il évoquerait la grande masse des gens demeurés ou rentrés au pays, ces 7 millions de Belges maintenant en face de l'oppresseur, leur vie sociale et nationale, occupés a la hitte quotidienne pour preserver leur droit de rester eux-mêmes en attendant la liberation. Ce serait lui qui voudrait in-terroger et demander a son" tour: " Qu'êtes-vous, que faMes-vous? " •Nous vDudrions traduiré ici la réponse que nous avoirs entendu faire a cette question devinée dans les yeux de ceux qu'on interroge de ce cóté de la Jrontière. Je crois que lés Belges du dedans l'entendront avec intérêt et non sans fierté. Car, disons-Ie bien vite, les Belges en exil représentent dignement leur patrie et de ce chef lui rendent un service réel. Il faut reconmaitre, après pres de trois ans d'expérience, que leur presence n'a pas- desservi la cause nationale; bien au contraire, óffle a été un argument permanent en faveur de la vitalité de la Belgique. Grace a eux, on a assisté a ce phéno-mène, nouveau dans l'histoire, de centaines de milliers d'exilés versés brusquement dans la vie de peuples étrangers a leurs coutumes et a leur mentalité et, loin d'etre absorbés par cette immersion totale, gard'ant leur caractère propre, s'organisant et devenant un element nouveau d'activité collective. L'évolution des pays allies'et rriême des pays neutres au cours de cette guerre a été profonde. Quelle part les Belges y ont-ils eue on Ie saura èxactèment plus tard et ce sera l'affaire des historiens de demain de la fixer. Les documents ne manque- ront pas. Dès aujourd'hui, _il suffit-d'un court séjour en Angleterre, en France, en Hollande et en Suisse pour saisir que les Belges ne sont étrangers a aucrune des formes de cette evolution, ont eu souvent une influence decisive, et ont toujours contribué au mouvement dies idees et des faits par urn effort personnel dans lequel se retrouvent les qualités foncières de notre race. Et la première de toutes ces qualités, c'est l'esprit de travail. Il y a bien peu d'oisifs au-dehors. Il n'a pas fa'.lu Ie controle, aujourd'hui établi par la loi beige promulguée a Sainte-Adresse, de toutes les activités valides pour que tous les elements sérieux. de la population exilée cherchent, découvrent et mettent en oeuvre une occupation de travail. Lorsque celle-ci ne se présentait pas a eux d'elle.-mêmê, ils ont su la créer et peu a peu on vit pousser sur Ie sol étranger des entreprises belges darts lesquelles on peut dire que se préploient a l'extrême la vigueur physique et la force cerebrale de nos compatriotes. Ainsi l'esprit d'.association sans lequel la Belgique n'aurait pas existé dans Ie passé.a eu tót fait de créer une vie beige au dehors. Celleci est triple: industrielle, charitable et nationale. Des ateliers belges ont été institués dans les usines de munitions britanniques, des usines entièrement belges ont été édifiées en Angleterre et en France. J'ai visite de ces centres pleins d'animation et d'entrain-. Autour de l'usine c'est vraiment un quartier de chez nous. Des magasins se sont ouverts aux enseignes frahcaises et flamandes. Il y a l'école et l'église et Ie cercle avec ses habitués réguliers, comme des membres de nos gildes ou de nos sociétés a buts innombrables. Sans doute, Ie haut salaire permet aux ouvriers qualifies et a ceux qui ont pu développer leurs dispositions naturelles une vie facile. Cependant l'épargne n'est pas négligée. Une caisse sous la garantie de l'Etat beige a été 'ouverte et les versements au livret seront valables en Belgique. Grace a l'obligeant intermediaire de la "Commission for Relief," vous Ie savez mieux que quiconque, des sommes importantes sont envoyées par les exilés travailleurs a leurs families sous Ie joug. Le sentiment d'aider les siens s'ajoute ainsi au réconfort de travailler effectivement a la délivrance de la patrie en fabriquant les obus^qui écrasent les envahis'seurs. Je saïs des avocats, des professeurs, des iutellectuels ayant revètu le sarrau du tourneur et qui regardent leurs mains se ternir et devenir' calleuses avec une legitime fierté. ■ D'autres ont troüvé de l'emploi dans les organismes destines

Er is geen OCR tekst voor deze krant.

Er is geen OCR tekst voor deze krant.

Er is geen OCR tekst voor deze krant.